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Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » Audition témoins compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » > Audition témoins > le témoin 82
1. le témoin 19 2. M.le témoin 44 3. R. Tremblay 4. le témoin 110 5. le témoin 38 6. le témoin 72 7. le témoin 101 8. le témoin 79 9. le témoin 138 10. le témoin 57 11. le témoin 2 12. le témoin 66 13. le témoin 71 14. le témoin 64 15. le témoin 81 16. le témoin 151 17. le témoin 115 18. le témoin 136 19. le témoin 7 20. le témoin 75 21. le témoin 82 22. le témoin 80 23. le témoin 99 24. le témoin 152 25. le témoin 78 26. Commentaires sur textes rédigés à Maredret 27. le témoin 95 28. le témoin 133 et commentaires de défense 29. le témoin 74 30. le témoin 70 31. le témoin 20 32. le témoin 60 33. le témoin 17 34. le témoin 49 35. le témoin 127 36. le témoin 47 37. le témoin 46 38. le témoin 147 39. le témoin 51 40. A. JANSSENS 41. le témoin 48 42. le témoin 145 43. G. Dupuis
 

8.6.21. Audition des témoins: le témoin 82

Le Président : Le témoin suivant pourra approcher. Il s’agit du témoin 82. Vous souhaitez un interprète, Madame ?

L’Interprète : Urashaka ugusemurira ?

le témoin 82 : Ndabishaka.

L’Interprète : Oui, je souhaite.

Le Président : Alors, Monsieur l’interprète, voulez-vous bien demander au témoin quels sont ses nom et prénom ?

L’Interprète : Amazina yawe yombi ?

le témoin 82 : Nitwa mama le témoin 82.

L’Interprète : Je m’appelle mama le témoin 82.

Le Président : Quel âge a le témoin ?

L’Interprète : Ufite imyaka ingahe ?

le témoin 82 : 37.

L’Interprète : 37 ans.

Le Président : Quelle est sa profession ?

L’Interprète : Ukora iki ?

le témoin 82 : Nihaye Imana.

L’Interprète : Je suis religieuse.

Le Président : Quelle est sa commune de résidence ?

L’Interprète : Utuye mu yihe komine ?

le témoin 82 : Ntuye i Maraba.

L’Interprète : Dans la commune de Maraba.

Le Président : Connaissait-elle les accusés ou une partie des accusés avant le mois d’avril 1994 ?

L’Interprète : Abaregwa warubazi cyangwa bamwe muribo mbere y’ukweze kwa kane 94 ?

le témoin 82 : Nzi bariya babikira babiri bacu.

L’Interprète : Je connais les deux sœurs qui appartiennent à notre congrégation.

Le Président : Est-elle de la famille des accusés ou de la famille des personnes qui réclament des dommages et intérêts aux accusés ?

L’Interprète : Har’icyo upfana n’abaregwa cyangw’abareger’indishyi ?

le témoin 82 : Mama Gertruda ni mukuru wanjye mu muryango.

L’Interprète : Sœur Gertrude est ma grande sœur dans la congrégation.

Le Président : Oui, mais je parle de la famille non pas au sens religieux, mais au sens génétique, si je puis dire.

L’Interprète : C’est ça, excusez-moi.

Le Président : Est-ce que dans ce sens-là, elle est membre de la famille des accusés ou des personnes qui réclament des dommages et intérêts aux accusés ?

L’Interprète : Muri ubwo buryo, har’icyo upfana n’abaregwa cyangwa n’abareger’indishyi ?

le témoin 82 : Mama Gertruda ni mukuru wanjye muri congrégation kandi ni mukuru wanjye mu muryango, famille tuvukamo.

L’Interprète : Sœur Gertrude est ma grande sœur dans la congrégation et dans ma famille.

Le Président : Le témoin a-t-il le même père et la même mère que sœur Gertrude ?

le témoin 82 : Oya.

L’Interprète : Non.

Le Président : Le même père seulement ou la même mère seulement ?

L’Interprète : Se gusa cyangwa se umukecuru gusa ?

le témoin 82 : Ba papa bacu n’ababyara.

L’Interprète : Nos pères sont des cousins.

Le Président : Elle n’est pas reprochable par ce lien de parenté. Le témoin est-il sous contrat de travail, sous contrat d’emploi avec les accusés ou les personnes qui réclament des dommages et intérêts aux accusés ?

L’Interprète : Hari abo ukorera mu baregwa cyangwa mu baregera indishyi ? Hari akazi ubakorera bakuriha?

le témoin 82 : Ntacyo mbakorera.

L’Interprète : Non.

Le Président : Voulez-vous bien inviter le témoin à lever la main droite et à prononcer le serment de témoin ?

L’Interprète : Ushobora kuzamur’akaboko k’iburyo ukarahira ?

le témoin 82 : Ndahiriye kuvuga ukuri gusa, nta rwango, nta mususu.

L’Interprète : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Vous pouvez prendre place tous deux…

[Interruption d’enregistrement]

L’Interprète : Kuva ryari uri muri communauté ya Sovu ?

le témoin 82 : Guhera kw’itariki ya 8 mu kwezi kwa cyenda 1986.

L’Interprète : Depuis le 8 septembre 1986.

Le Président : Aviez-vous des responsabilités particulières dans ce couvent, au mois d’avril 1994 ?

L’Interprète : Hari ibintu byiharirwa warushinzwe mur’icyo kigo mu kwezi kwa kane 94 ?

le témoin 82 : Nta kintu kihariye narinshinzwe, nari umunyeshui.

L’Interprète : Je n’avais aucune responsabilité particulière ; j’étais élève ou étudiante.

Le Président : Quel genre d’études faisiez-vous à cette époque-là ?

L’Interprète : Wigaga iki, icyo gihe ?

le témoin 82 : Infirmière.

L’Interprète : Je faisais les études d’infirmière.

Le Président : Est-ce qu’en qualité d’élève infirmière, vous vous occupiez du centre de santé de Sovu ?

Cécile le témoin 82 : Uri umunyeshuli, wigaga ibyo bya infirmière byo kuvura, warutegetswe kureba iyo centre ya Sovu ?

le témoin 82 : Ntabwo narimbitegetswe, uretse ko mu biruhuko najyaga gukora stage.

L’Interprète : Je n’étais pas responsable de ce centre, mais pendant les vacances, j’y allais en stage.

Le Président : En avril 1994, c’était les vacances de Pâques ?

L’Interprète : Mu kwezi kwa kane muri 94, byar’ibiruhuko bya Pasika ?

le témoin 82 : Yego.

L’Interprète : Oui.

Le Président : Avez-vous, pendant ces vacances de Pâques, travaillé au centre de santé de Sovu ?

L’Interprète : Mur’ibyo biruhuko bya Pasika, wakoze mur’iyo centre de santé ya Sovu ?

le témoin 82 : Mur’iyo centre de santé narindimo. Nakoze stage.

L’Interprète : Je me trouvais dans ce centre de santé, en stage.

Le Président : Avez-vous vu arriver dans ce centre de santé des réfugiés ?

L’Interprète : Wabonye impunzi ziza mur’iyo centre de santé ?

le témoin 82 : Zarahaje.

L’Interprète : Ils sont venus.

Le Président : Vous êtes-vous occupée des réfugiés qui sont arrivés au centre de santé ?

L’Interprète : Witaye kur’izo mpunzi zaje mur’iyo centre de santé ?

le témoin 82 : Narazivuye nkurikije ubushobozi bwanjye n’ubwenge kuko nari stagiaire.

L’Interprète : Je les ai soignés, suivant mes possibilités et mon intelligence, parce que j’étais stagiaire.

Le Président : Avez-vous, notamment, été amenée à fournir de la nourriture aux personnes qui étaient réfugiées au centre de santé ?

L’Interprète : Hari ubwo wigeze ugabulira izo mpunzi zaje muri centre de santé ?

le témoin 82 : Byitabwagaho n’uwo muri centre nutritionnel, niwe wabatekeraga, akabafasha, akabagabulira.

L’Interprète : C’était le responsable du centre nutritionnel qui s’occupait d’eux ; il leur faisait à manger, il le leur donnait.

Le Président : Avez-vous constaté qu’à un moment, les réfugiés ont été regroupés au centre de santé ?

L’Interprète : Har’igihe wigeze ubona izo mpunzi bazikoranyiriza muri centre de santé ?

le témoin 82 : Ntabwo mbibona, ntabwo numva ikibazo ashaka kuvuga.

L’Interprète : Niba har’igihe wigeze ubona, bafata izo mpunzi, bakazikoranyiriza muri centre de santé.

le témoin 82 : Zahaje gutyo zose ari nyinshi, zirahaguma.

L’Interprète : Ils se sont rendus nombreux au centre de santé, ils sont restés.

Le Président : Avez-vous constaté, éventuellement, que des personnes qui s’étaient réfugiées au couvent ont été amenées du couvent au centre de santé ?

L’Interprète : Har’igihe wigeze ubona, abantu bari bahungiye mu kigo cy’ababikira, babahakuye, bakabazana muri centre de santé ?

le témoin 82 : Ntabyo nabonye.

L’Interprète : Je n’ai pas vu cela.

le témoin 82 : Niba byarabaye simbyibuka.

Le Président : Oui ?

L’Interprète : Je n’ai pas vu ça et je ne m’en souviens pas.

Le Président : Avez-vous éventuellement constaté que des militaires ou des policiers surveillaient ou assuraient la protection des réfugiés au centre de santé ?

le témoin 82 : Ibyo narabibonye.

L’Interprète : Oui, ça j’ai vu.

Le Président : Combien de personnes et de quel genre de personnes s’agissait-il ? S’agissait-il de militaires ou de policiers ?

L’Interprète : Abo bantu nibangahe kandi bari abantu bameze bate ? Bari abasirikare cyangwa se abapolisi ?

le témoin 82 : Abo nabonye, n’abapolisi babili.

L’Interprète : Ce que j’ai vu, il s’agit de deux policiers.

Le Président : Savez-vous qui avait fait appel à ces policiers ?

L’Interprète : Uzi uwari wahamagaye abo bapolisi uwo ariwe ?

le témoin 82 : Mama Gertruda. Abinyujije kuri bourgmestre.

L’Interprète : C’est la sœur Gertrude, c’est la sœur Gertrude, en passant par le bourgmestre.

Le Président : Et ces policiers, assuraient-ils réellement la protection des réfugiés ?

L’Interprète : Abo bantu barindaga mu byukuri izo mpunzi ?

le témoin 82 : Ntabwo mbizi kuko baje bavuga ko baje kuturinda.

L’Interprète : Je n’en sais rien parce qu’en venant, ils disaient qu’ils venaient nous protéger.

Le Président : Connaissez-vous le témoin 110 ?

L’Interprète : Uzi umuntu witwa le témoin 110,

le témoin 82 : Ndamuzi.

L’Interprète : Je le connais.

Le Président : Vous souvenez-vous si le témoin 110 a amené de la nourriture au couvent ?

L’Interprète : Uribuka niba le témoin 110, har’ibyo kurya yazanye mu kibikira ?

le témoin 82 : Numvise babivuga ariko ntabwo nigeze mubon’abizana.

L’Interprète : Je l’ai entendu dire, mais je ne l’ai pas vu venir l’apporter.

Le Président : Le 22 avril 1994, il y a eu une très forte attaque des Interahamwe contre les réfugiés qui se trouvaient au centre de santé.

L’Interprète : Kw’italiki ya 22 mu kwezi kwa kane muri 94, har’igitero gikomeye cyateye muri centre de santé, aho impunzi zari zahungiye ?

le témoin 82 : Kirahari.

L’Interprète : Oui.

Le Président : Avez-vous vu, donc assisté à cette attaque ?

L’Interprète : Warabibonye n’amaso yawe ?

le témoin 82 : Ntabwo nabibonye n’amaso yanjye kuko cyaraje, duhita tuzamuka tulirukanka n’abantu bose baranyanyagira. Gusa nababonye bagose urugo.

L’Interprète : Je n’ai pas assisté à cette attaque mais lorsque l’attaque a commencé, tout le monde s’est enfui et j’ai vu tout simplement qu’on commençait à encercler le couvent.

Le Président : Pendant l’attaque, où vous trouviez-vous personnellement ?

L’Interprète : Mur’icyo gitero, wari ahagana hehe, wowe ubwawe ?

le témoin 82 : Nari mu kigo imbere mu machambre. Turi kumwe n’abandi, mu macouloir, dushaka uburyo twakwihisha, ahari ubwihisho kugirango batatugwaho.

L’Interprète : Je me trouvais à l’intérieur du couvent en compagnie des autres, en cherchant où nous réfugier pour que cette attaque ne nous tombe pas dessus.

Le Président : Avez-vous éventuellement constaté que dans le courant de la journée du 22 avril, pendant cette attaque, des religieuses auraient quitté le couvent pour se rendre à l’extérieur ?

L’Interprète : Hari ubwo wabonye mur’icyo gihe k’igitero kw’italiki ya 22 z’ukwezi kwa kane, waba warabonye ababikira bavuye mu kigo, basohoka bakajya hanze ?

le témoin 82 : Nta numwe nabonye.

L’Interprète : Je n’en ai vu aucune.

Le Président : Après l’attaque, vous êtes-vous rendue au centre de santé pour voir s’il y avait des gens à soigner ?

L’Interprète : Nyuma y’igitero, wasubiye muri centre de santé kugirango urebe niba hari abantu wagombaga kuvura ?

le témoin 82 : Ntabwo nagombaga gusubirayo kuberako nari nagiz’ubwoba, kubera kuri 24 bamaze kwica kuri centre, baravuga ngo bukeye ni twebwe, bucya duhunga.

L’Interprète : Je ne pouvais pas y retourner parce que j’avais pris peur, et on avait dit qu’après le 22, le lendemain c’était à notre tour et le lendemain, nous avons fui.

Le Président : Lorsque vous avez fui, sœur Kizito et sœur Gertrude étaient-elles avec vous ?

le témoin 82 : Muhunga, sœur Gertrude na sœur Kizito mwari kumwe ?

le témoin 82 : Twari turi kumwe kuko mama Gertruda niwe wadutwaye muri Combi.

L’Interprète : Nous étions ensemble, parce que c’est sœur Gertrude qui nous a conduites dans notre combi.

Le Président : Avez-vous remarqué, en passant à proximité du centre de santé, qu’il pouvait peut-être y avoir des corps étendus sur la route ?

L’Interprète : Muhunga icyo gihe, waba warabonye muri centre de santé niba har’intumbi mu muhanda zar’iruhande rwahongaho ?

le témoin 82 : Njye nta kintu nabonye kuko narimfite ubwoba, twicaye, ntabwo nakebukaga ngirango ndebe hirya no hino.

L’Interprète : Je n’ai rien vu, parce qu’à ce moment, j’étais apeurée et puis je ne pouvais pas regarder ni à gauche ni à droite.

Le Président : Vous vous êtes réfugiée, donc avec toute la communauté, sauf sœur Scholastique, sœur Bénédicte et sœur Fortunata, à Ngoma ?

L’Interprète : Ntabwo mwahungiye i Ngoma mwese usibye sœur Scholastique, sœur Benedicte, sœur Fortunata ?

le témoin 82 : Yego.

L’Interprète : Oui.

Le Président : La situation à Ngoma était-elle meilleure qu’au couvent ?

L’Interprète : I Ngoma hari heza kurusha mu kigo ?

le témoin 82 : I Ngoma ntabwo hari heza kuko naho twagezeyo, bahita batumenaça. Interahamwe zikaza buri kanya, bigeza naho Mameya atang’amafaranga, bakaduhagurutsa, bashaka kutwica.

L’Interprète : A Ngoma, la situation n’était pas meilleure parce que, arrivées là, nous avons aussi été menacées et on disait qu’on allait venir nous tuer à tout moment, jusqu’au point où la sœur supérieure a donné de l’argent pour qu’on nous épargne.

Le Président : Qui a décidé alors de revenir à Sovu ?

L’Interprète : Ninde wemeje gusubira i Sovu ?

le témoin 82 : Ntabwo navuga ngo n’uyu n’uriya kuko twese twabonaga ko hose ari kimwe, ar’i Sovu barazengurukaga urugo bashaka kutwica, ari ahongaho bakazenguruka urugo bagashaka kutwica. Duhita aho kugirango dupfire ku gasosi, dujye gupfira iwacu.

L’Interprète : Je ne peux pas dire que c’est tel ou tel autre qui a décidé de retourner à Sovu parce que, que ce soit à Sovu, que ce soit à Ngoma, c’était la même chose, mais il était préférable de retourner à Sovu, mourir à Sovu que de mourir à Ngoma.

Le Président : Connaissez-vous Emmanuel REKERAHO ?

L’Interprète : Uzi umuntu witwa Emmanuel REKERAHO ?

le témoin 82 : N’ukumva bamuvuga ntabwo muzi.

L’Interprète : J’entends parler de lui, mais je ne le connais pas personnellement.

Le Président : Vous ne l’avez jamais vu ?

L’Interprète : Ntabwo wigeze umubona ?

le témoin 82 : Ntawe nabonye.

L’Interprète : Je ne l’ai jamais vu.

Le Président : Il n’est jamais venu au couvent ?

L’Interprète : Ntabwo yigeze aza mu kigo ?

le témoin 82 : Numva ngo yaje ariko ntabwo nigeze mubona. Sinzi niba yaranaje cyangwa niba ataraje, ntabyo nzi.

L’Interprète : J’ai entendu dire qu’il y était venu, mais je ne l’avais jamais vu, je ne sais pas s’il était venu ou pas.

le témoin 82 : Yazaga gutwar’abantu bahari.

L’Interprète : Il venait chercher les gens qui s’y trouvaient.

Le Président : Mais vous-même vous ne l’avez jamais vu et vous ne l’avez jamais entendu parler dans le couvent ?

L’Interprète : Wowe ubwawe ntiwigeze umubona cyangwa ngo wumve avugira mu kigo ?

le témoin 82 : Ndumva ntawe nabonyemo. Ariko yaraje.

L’Interprète : Je pense ne l’avoir jamais vu mais je sais qu’il est venu.

Le Président : Le lendemain du retour de Ngoma au couvent, avez-vous assisté au rassemblement des réfugiés qui se trouvaient à l’intérieur du couvent ?

L’Interprète : Bukeye mwavuye i Ngoma, harubwo waba warabonye bakoranya impunzi zali mu… ?

le témoin 82 : Barazikoranyije zose natwe hamwe nabo, batubwira uko situation imeze.

L’Interprète : A ce moment, on les a réunis, nous avec et on nous a parlé de la situation du moment.

Le Président : Qui vous a parlé de cette situation ?

L’Interprète : Ninde wababwiye ko… iyo situation ?

le témoin 82 : Ndumva ari mama Gertruda, sinzi undi bari kumwe, ariko barabitubwiye icyo gihe.

L’Interprète : Je pense qu’il s’agit de sœur Gertrude, je ne me souviens plus de l’autre personne qui était en sa compagnie, et ils nous l’ont dit à ce moment.

Le Président : Et vous n’avez pas vu REKERAHO ce jour-là ?

L’Interprète : Uwo munsi ntabwo wabonye REKERAHO,

le témoin 82 : Ntabwo mbyibuka.

L’Interprète : Je ne m’en souviens pas.

Le Président : Quelle explication sœur Gertrude a-t-elle donnée de la situation ?

L’Interprète : Sœur Gertrude ababwira ibyerekeye iyo situation yavuze iki ? Yasobanuye iki ?

le témoin 82 : Yatubwiraga ko tubona twese ko biturangiriyeho, ngo twitegure gupfa.

L’Interprète : Elle nous disait qu’elle voyait que tout était fini pour nous et de nous préparer à mourir.

Le Président : A-t-elle invité les réfugiés à quitter le couvent ?

L’Interprète : Hari ubwo yabwiye impunzi ngo zive mu kigo ?

le témoin 82 : Ngirango ko bari bavuze ngo ababikira nibagumamo, ngo impunzi zigende ngo uretse impunzi. Ibyo byo yarabitubwiye.

L’Interprète : Oui, à ce moment, elle a dit que les sœurs devaient rester à l’intérieur du couvent et que les réfugiés devaient partir.

 

le témoin 82 : Nibyo bari bamubwiye.

L’Interprète : Et c’est ce qu’on venait de lui dire aussi.

Le Président : Et les réfugiés ont-ils été d’accord de quitter le couvent ?

L’Interprète : Impunzi zemeye kuva mu kigo ?

le témoin 82 : Zaragiye.

L’Interprète : Oui, ils sont partis.

Le Président : Ont-ils expliqué pourquoi ils partaient ?

L’Interprète : Basobanuye impamvu yatumye bagenda ?

Cécile le témoin 82 : Ubwo babonaga ko ari hahandi habo, bakavuga bati, aho kugirango tube danger, kubera mwe, reka twigendere.

L’Interprète : Eux, ils voyaient que de toute façon c’était la même chose pour eux. Au lieu de constituer un danger pour les sœurs, ils ont dit qu’ils préféraient partir, de toute façon qu’ils allaient mourir.

Le Président : Certains ont-ils insisté sur le fait qu’ils pouvaient constituer un danger pour les sœurs et que c’est peut-être la raison pour laquelle ils partaient ?

L’Interprète : Hari bamwe muribo bemezaga ko bashobora kuba ikibazo ku babikira, ko ariyo mpamvu yatumye bagenda ?

le témoin 82 : Ntabwo mbizi, ni décision yabo.

L’Interprète : Je n’en sais rien, c’est leur décision.

Le Président : Avez-vous vu des militaires ou des miliciens à l’intérieur du couvent ce jour-là ?

L’Interprète : Hari abasilikare cyangw’abapolisi waba warabonye mu kigo uwo munsi ?

le témoin 82 : Uwo munsi ndumva ntabo nabonye.

L’Interprète : Je pense que je n’en ai pas vu ce jour-là.

Le Président : Avez-vous vu éventuellement que l’on faisait un tri entre Tutsi et Hutu ?

L’Interprète : Waba warabonye barobanur’abahutu n’abatutsi ?

le témoin 82 : Ntabyo nabonye.

L’Interprète : Je n’ai pas vu ça.

Le Président : Avez-vous constaté que certains réfugiés sont quand même restés dans le couvent ce jour-là ?

L’Interprète : Waba warabonye niba impunzi zimwe zarasigaye mu kigo uwo munsi ?

le témoin 82 : Ababyeyi b’ababikira bacu barasigaye.

L’Interprète : Les membres des familles des sœurs, de nos sœurs, sont restés à l’intérieur du couvent.

Le Président : Savez-vous pourquoi eux ont pu rester ?

L’Interprète : Uz’impamvu yatumye bo basigara ?

le témoin 82 : Sinasobanura ngo n’ibi n’ibi cyangwa… ndumva ari décision… ubundi bakurikiraga ibyo REKERAHO aje akavuga ati : « Ibi nimubikore gutya », ahandi ibyo simbizi.

L’Interprète : Je ne peux pas dire la raison pour laquelle ils ont pu rester, parce que parfois, c’est REKERAHO qui venait et qui disait de faire ceci ou de faire cela, je n’en sais pas plus.

Le Président : Après le 25 avril, y a-t-il encore eu des attaques d’Interahamwe contre le couvent ?

L’Interprète : Nyuma y’italiki 25 z’ukwezi kwa kane, har’ibindi bitero by’Interahamwe byabaye ku kigo ?

le témoin 82 : Ntabwo basibaga. Buri munsi, kenshi barazaga,

L’Interprète : Ils nous attaquaient chaque jour,

le témoin 82 : Bashakaga ababikira cyangwa, hari n’igihe biburishije, har’igihe zigeze kwiburisha [Inaudible], zikavuga ngo zayobewe imuhira iwacu ngo baje kuzishaka kandi bashaka kureb’abantu barimo mu nzu imbere.

L’Interprète : Ils nous attaquaient chaque jour ; parfois, ils venaient en cherchant les sœurs et une fois, ils sont venus soi-disant que les réfugiés se trouvaient encore à l’intérieur du couvent, ils sont venus à leur recherche.

Le Président : Quand les membres des familles des sœurs ont-ils quitté le couvent ?

L’Interprète : Imiryango y’ababyeyi b’ababikira yavuye mu kigo ryari ?

le témoin 82 : Le 6 mai.

L’Interprète : Le 6 mai.

Le Président : Pourquoi ont-ils quitté à ce moment-là ?

L’Interprète : Kuki bagiye icyo gihe ?

le témoin 82 : Ibyo simvuga nabihagazeho kuberako baje bakabatwara, noneho bakavuga ngo ntanumwe ugomba ngo gusigara, nabo bari basigaraje ngo reka babajyane, hasigare ababikira bonyine.

L’Interprète : Je n’ai pas assisté à leur départ, mais j’avais entendu dire qu’ils devaient absolument partir, que seules les religieuses pouvaient rester à l’intérieur du couvent.

Le Président : Qui disait cela ?

L’Interprète : Ninde wabivugaga ?

le témoin 82 : Bavugaga ko ariko REKERAHO avuze.

L’Interprète : On disait que c’était REKERAHO qui avait donné l’ordre.

Le Président : Avez-vous vu le bourgmestre le 6 mai ?

L’Interprète : Wabonye bourgmestre kw’italiki ya 6 ?

le témoin 82 : Numvise ko yaje ariko ntabwo namubonye.

L’Interprète : J’ai entendu dire qu’il était venu mais je ne l’ai pas vu.

Le Président : Savez-vous qui aurait invité le bourgmestre à venir le 6 mai ?

L’Interprète : Ushobora kuba uzi uwasabye bourgmestre kugirango aze kuriyo taliki ya 6 ?

le témoin 82 : Ni Gertrude.

L’Interprète : Sœur Gertrude.

Le Président : Rien que sœur Gertrude ou bien sœur Gertrude avait-elle fait une démarche accompagnée de quelqu’un d’autre ?

L’Interprète : Ni sœur Gertrude wenyine cyangwa se yari yakoze démarche yaherekejwe n’undi muntu ?

le témoin 82 : Ntabwo mbizi niba yaraherekejwe n’undi muntu, njye nzi ko ariwe wabahamagaye.

L’Interprète : Je ne sais pas si elle était en compagnie de quelqu’un d’autre, mais je sais que c’est elle qui l’avait appelé.

Le Président : Pourquoi alors avez-vous déclaré dans une précédente déclaration que vous ne croyiez pas que c’était sœur Gertrude qui avait demandé l’intervention du bourgmestre ?

L’Interprète : Kuki mu nyandiko mvugo iherutse wari wavuze ko atari sœur Gertrude wari wahamagaye bourgmestre ?

le témoin 82 : Ndumva ariko nari nabyanditse, ko yakoze appel au bourgmestre.

L’Interprète : Je crois pourtant que j’avais déclaré qu’elle avait fait appel au bourgmestre.

Le Président : Avez-vous entendu que sœur Gertrude demandait au bourgmestre de protéger les gens que le bourgmestre venait chercher ?

L’Interprète : Hari ubwo wigeze wumva sœur Gertrude asaba Bourgmestre kurind’abantu yaraje gushaka ?

le témoin 82 : Abo amafamille, nzi ko ubwambere bigitangira ariho abapolisi baje ariwe ubahamagaye, ariko ibyo bya nyuma byinshi har’ibyo ntazi, nari nifitiye ubwoba ndi mu nzu.

L’Interprète : Je sais qu’au début, au départ, que sœur Gertrude avait fait, donc le bourgmestre était venu au sujet,

le témoin 82 : Ntabwo yaje, n’abapolisi yohereje.

L’Interprète : Que les policiers étaient venus de la part du bourgmestre pour protéger ces familles des sœurs et ce qui s’est passé après, je n’en sais rien, parce que j’avais peur et j’étais cloîtrée à l’intérieur de ma chambre.

Le Président : Connaissez-vous Gaspard RUSANGANWA ?

L’Interprète : Uzi Gaspard RUSANGANWA ?

le témoin 82 : Ndamuzi kuko twari duturanye.

L’Interprète : Je le connaissais parce qu’on était voisins.

Le Président : Savez-vous si sœur Gertrude rencontrait parfois, en dehors du couvent, RUSANGANWA ?

L’Interprète : Uzi niba sœur Gertrude yarahuraga na RUSANGANWA, bahuriye hanze y’ikigo ?

le témoin 82 : Ntabwo mbizi.

L’Interprète : Je n’en sais rien.

Le Président : Pendant les événements d’avril et mai 1994, quelles étaient les religieuses qui quittaient le couvent parfois ?

L’Interprète : Mu gihe cy’intambara, mu kwezi kwa kane no mu kwezi kwa gatanu 94, ni abahe babikira basohokaga bakajya inyuma y’ikigo ?

le témoin 82 : Inyuma y’ikigo ntawajyagayo, ariko hanze inyuma y’urugi gutya muri clôture, Kizito na Mameya barasohokaga bakumva aho ibintu bigeze kugirango batatwicira gutya mu nzu, twese tutazi ibyabye.

L’Interprète : Personne ne pouvait s’aventurer en dehors du couvent ; mais jusqu’au portail, la sœur supérieure, sœur Gertrude, sœur Kizito s’y rendaient de temps en temps pour savoir comment était la situation et trouver une solution pour pouvoir nous protéger éventuellement.

Le Président : Y a-t-il des questions à poser au témoin ? Maître Clément de CLETY a été le premier à lever le doigt.

Me. de CLETY : Monsieur le président, le témoin vient de nous apprendre qu’il y a eu des attaques constantes après le 25 avril. Pourriez-vous lui demander s’il y a encore eu des attaques après le 6 mai ?

Le Président : Après le 6 mai 1994, y a-t-il encore eu des attaques d’Interahamwe contre le couvent ?

L’Interprète : Har’ibindi bitero by’Interahamwe byabaye nyuma y’itariki ya 6 z’ukwezi kwa gatanu 94 ?

le témoin 82 : Ndumva ibyo nibuka, ababyeyi b’amafamille yarahari bamaze gupfa, habaye nkaho hari akandu katari sécurité ariko, bakajya bavuga ko hari ababikira bashaka. Nta gitero cyaje telle que… gutya, ariko bavugaga ko hari ababikira bashakaga ngo uwamumuha bamutema. Ariko nta gitero cyongeye kuhacircula,

L’Interprète : Si je me souviens très bien, il n’y a pas eu d’attaque comme telle, mais ils circulaient aux alentours en cherchant, en disant, -  ça c’était après la mort des familles des sœurs - en disant qu’ils cherchaient les sœurs et que s’ils en trouvaient, ils allaient les découper à la machette.

le témoin 82 : Ariko nta gitero cyazaga nkuko bazaga. Ubundi barazaga bakazenguruka, bakavuza induru, bakavuza urwamo n’imihoro n’iki, ariko ababyeyi bamaze gupfa ibyongibyo ntabwo byongeye kuza tel quel.

L’Interprète : Après la mort de ces familles, d’habitude les Interahamwes venaient et ils encerclaient le couvent, ils criaient, ils tambourinaient ; mais après la mort de ces familles, ça ne s’est plus jamais reproduit de la même manière.

Le Président : Oui ?

Me. de CLETY : Dans ses déclarations du 22 décembre 1995, le témoin dit : « Je voulais dire que les sœurs étaient considérées comme des malfaiteurs par les gens de l’extérieur (les miliciens), les réfugiés étaient donc plus en danger avec nous ». Comment expliquer cette situation et cette déclaration avec ce qu’elle déclare maintenant, à savoir qu’il n’y a plus eu d’attaque après le 6 mai ?

Le Président : Comment expliquez-vous que les réfugiés auraient été plus en danger avec les sœurs que sans les sœurs ?

L’Interprète : Wasobanura ute ko impunzi zari mu byago, ziri kumwe n’ababikira cyangwa zitari kumwe n’ababikira ?

le témoin 82 : Ibyo ntabwo nzi uburyo nabisobanura mvuga ngo n’ukubera iyi mpamvu cyangwa n’ukubera iyi mpamvu, njye nibwira ko wenda, kubera ko bari abaturage bari mu bandi, kandi ari abandi babashaka, bitari nka kimwe.

L’Interprète : Je ne peux pas, je ne sais pas comment l’expliquer mais, à mon avis, je pense que c’est parce que ceux qui les cherchaient, c’étaient des voisins, mais je ne peux pas dire que c’est à cause de ça ou s’ils étaient avec ou pas, avec les sœurs, si ça aurait été plus grave ou pas.

Me. de CLETY : Dernière question, Monsieur le président. Puisque le témoin ne nous apporte pas beaucoup de précisions, peut-elle confirmer une petite phrase de sa déposition : « Vous savez, nous vivions cloîtrées et nous ne cherchions pas à savoir ».

Le Président : Est-il exact qu’en ce qui la concerne, en ce qui vous concerne, Madame, vous viviez cloîtrée et vous ne cherchiez pas à savoir ?

L’Interprète : N’ibyukuri ko ku bwawe, ku bikureba ubwawe, wabaga uri… ntabwo wasohokaga, ntabwo washakaga no kumenya ibiba ?

le témoin 82 : Birashoboka ko ntashakaga kumenya ibiba ?

L’Interprète : Ca ne veut pas dire que je ne voulais pas savoir.

Le Président : Qu’est-ce que ça veut dire alors ?

le témoin 82 : Njye, icyo nadeclaye mvuga nuko nous ignorions… ibya politique tutari tubizi.

L’Interprète : Seulement ce que j’ai déclaré ; c’est que nous n’étions pas informées de ce qui se passait politiquement et ce que ces gens-là faisaient.

Le Président : Une autre question ? Maître JASPIS.

Me. JASPIS : Monsieur le président, le 28 avril 1995, le témoin a signé -je ne vais pas dire « a rédigé » mais a signé - une assez longue déclaration, très détaillée, dactylographiée très serrée, en faveur de sœur Gertrude. Cette déclaration était destinée à venir à l’appui de la plainte déposée par sœur Gertrude pour diffamation contre le journaliste de « Solidaire ». Je voudrais simplement que le témoin, si vous le voulez bien, nous dise qui a dactylographié ce texte qui est écrit en français parfait et sans la moindre faute d’orthographe, s’il vous plaît ?

Le Président : Vous souvenez-vous avoir signé un document,

L’Interprète : Uribuka niba har’ikintu wanditse,

Le Président : Qui a été joint à la plainte de sœur Gertrude contre un journaliste qui avait écrit un article la mettant en cause ?

L’Interprète : Uribuka niba har’inyandiko cyangwa ikindi gikaratasi waba warasinye, cyari giherekeje ikirego cya sœur Gertrude ?

le témoin 82 : Ndakibuka ko nacyanditse.

L’Interprète : Je me rappelle, je me souviens que je l’ai rédigé.

Le Président : Vous l’avez rédigé vous-même, dactylographié vous-même ce texte ?

L’Interprète : Waracyanditse wenyine, ucyandika kw’imashini wenyine ?

le témoin 82 : Naracyanditse, barakinyandikira kw’imashini.

L’Interprète : Je l’ai écrit et on me l’a tapé à la machine.

Le Président : Qui l’a tapé à la machine ?

L’Interprète : Ninde wakikwandikiye kw’imashini ?

le témoin 82 : Ni supérieure w’urugo warunyandikiye, sœur Loïse, niwe warunyandikiye.

L’Interprète : C’est la supérieure du couvent qui m’avait écrit, sœur Eloïse, sœur Loïse.

Le Président : Une autre question ? Maître LARDINOIS ou Maître VERGAUWEN ? Maître LARDINOIS.

Me. LARDINOIS : Je vous remercie, Monsieur le président. Le témoin a dit tout à l’heure qu’entre le 25 avril et le 6 mai, le couvent a fait l’objet d’attaques quotidiennes. Il ressort du dossier que le couvent ne porte aucune trace de destruction, le portail n’a pas été défoncé.

Le Président : Votre question, si vous voulez bien.

Me. LARDINOIS : Est-ce qu’on peut demander au témoin en quoi consistaient ces attaques quotidiennes ?

Le Président : Les attaques dont vous avez parlé, entre le 25 avril et le 6 mai, ça consistait en quoi, de manière plus précise ?

L’Interprète : Ibyo bitero wavuze byo hagati y’italiki 25 n’italiki mu kwezi kwa gatanu, byari bigamije iki ?

le témoin 82 : Byari bigamije ko bari bazi ko hakiri abantu mu rugo kandi bashaka kubica.

L’Interprète : Ces attaques avaient pour objet de tuer les gens qui restaient à l’intérieur du couvent, parce qu’ils savaient qu’il y en avait encore.

le témoin 82 : Uretse ko icyo gihe natwe bashakaga kutwica, bakabwira mama Kizito ngo navemo niwe muhutu urimo, ngo abandi bose n’Inkotanyi, ngo navemo bice abasigaye, ariyangira.

L’Interprète : Mis à part qu’on nous disait aussi qu’on allait nous tuer et qu’eux, ils disaient à mama Kizito de sortir du couvent parce qu’elle était Hutu et pour qu’ils puissent nous tuer mais elle n’a pas voulu.

Le Président : Que faisaient alors ces gens ?

L’Interprète : Abo bateraga bakoraga iki rero icyo gihe ?

le témoin 82 : Barasakuzaga, ukabona bameze nk’abasazi, bashaka kugirango abantu basohoke babice.

L’Interprète : Ils criaient, ils harcelaient les gens, ils étaient devenus comme des fous, ils avaient seulement envie de voir les gens sortir et les tuer.

Le Président : Oui ?

Me. LARDINOIS : Monsieur le président, encore une petite question concernant cette lettre du 28 avril 1995. Si je comprends bien, le témoin l’a rédigée de manière manuscrite, puis elle a été dactylographiée. Mais est-ce que sa forme manuscrite était en français ?

Le Président : Lorsque vous avez rédigé la lettre en faveur de sœur Gertrude, c’était rédigé en français ?

L’Interprète : Iyo barwa wanditse, urengera sœur Gertrude, wari wayanditse mu gifransa ?

le témoin 82 : Nayanditse mu gifaransa.

L’Interprète : Je l’ai écrite en français.

Me. LARDINOIS : Monsieur le président, cette lettre est, comme mon confrère vient du relever, en français absolument irréprochable, pourquoi demande-t-elle l’assistance d’un interprète aujourd’hui ?

Le Président : Parce que c’est son droit. Maître VERGAUWEN ?

Me. VERGAUWEN : Je vous remercie, Monsieur le président. Pourriez-vous demander au témoin si elle sait où se trouvait sœur Ermelinda pendant les événements ?

Le Président : Savez-vous où se trouvait sœur Ermelinda pendant les événements d’avril, mai, juin même 1994 ?

L’Interprète : Uzi aho sœur Emerlinda yari ari mu kwezi kwa kane, kwa gatanu yewe n’ukwa gatandatu mu ntambara ?

le témoin 82 : Har’igihe yabaga ari kumwe natwe, har’igihe ntamubonaga, ntabwo mbizi.

L’Interprète : Elle était parfois en notre compagnie, parfois je ne la voyais pas, je ne sais pas.

Le Président : Une autre question ?

Me. VERGAUWEN : Une autre question, Monsieur le président. Le témoin a déclaré, le 22 décembre 1995, aux enquêteurs : « Vous me demandez après la journée du 6 mai si tout le monde a été tué » et elle a déclaré : « Il y a des survivants parmi ceux que le bourgmestre a conduits à la préfecture ; j’ai personnellement revu l’un d’entre eux avant d’être moi-même évacuée ». Peut-elle le confirmer ?

Le Président : Vous souvenez-vous avoir vu, avant votre évacuation du Rwanda, une des personnes qui avaient été emmenées par le bourgmestre, le 6 mai, du couvent et qui auraient été amenées à la préfecture de Butare ? Avez-vous vu une de ces personnes vivantes, à Butare, j’imagine ou ailleurs ?

L’Interprète : Uribuka niba, mbere yuki uva mu Rwanda, mu bantu bourgmestre yari yarajyanye kuri comine y’i Butare, mu barokotse, uribuka niba hari uwo wabonyemo ?

le témoin 82 : Ndamubona, ntabwo nibuka izina rye neza ariko yaraje aravuga ati : « Nanjye baratujyanye kuri comine, nyuma none ndagarutse ». Ndamubona ariko ntabwo nibuka izina rye. Ndamva yarabitubwiye gutyo, ariko naramubonye.

L’Interprète : Je vois très bien de qui il s’agit, je ne connais pas son nom, mais quand la personne est revenue de la commune, elle nous l’a dit, je l’ai vue mais je ne connais pas son nom.

Le Président : Une autre question ? Maître VANDERBECK ?

Me. VANDERBECK : Je vous remercie, Monsieur le président. Je suis un peu désolé de revenir à cet épisode du 23 avril, vous avez déjà plus ou moins posé la question, Monsieur le président, mais est-ce qu’on pourrait demander plus précisément au témoin si elle a le souvenir, faisant partie du premier convoi qui quitte très tôt le couvent, d’avoir roulé sur des corps qui se trouvaient sur le chemin ?

Le Président : Lorsque vous avez quitté le couvent, le 23 avril 1994, dans le véhicule que conduisait sœur Gertrude, avez-vous le souvenir que l’on aurait pu rouler sur des corps qui se trouvaient sur la route ?

L’Interprète : Igiha muva mu kigo cy’ababikira kuri 23 mu kwezi kwa kane muri 94 mu modoka yaritwawe na sœur Gertrude, uribuka niba yaba yaranyuze ku mirambo yar’irahongaho ?

le témoin 82 : Njye ga ariko njyewe murimo kunsetsa. Ubwo waroula gute hejuru y’imirambo ?

L’Interprète : Mais vous me faites rire, comment pouvez-vous voir si quelqu’un roule sur les cadavres ?

Le Président : Voilà, réponse.

Me. VANDERBECK : Je vous remercie, Monsieur le président. Est-ce que vous pouvez également demander au témoin, à l’occasion de ce qui s’est passé le 6 mai 1994, si elle a vu sœur Kizito, et notamment si elle a vu que sœur Kizito accompagnait des militaires dans les chambres des sœurs pour aller chercher les membres des familles des sœurs ?

Le Président : Le 6 mai, lorsque le bourgmestre est venu, avez-vous vu sœur Kizito en compagnie de policiers, de militaires ?

L’Interprète : Igihe bourgmestre yazaga kw’italiki ya 6 y’ukwezi kwa gatanu, waba warabonye sœur…

L’Interprète : Sœur Kizito ?

Le Président : Oui, sœur Kizito.

L’Interprète : Waba warabonye sœur Kizito azanye n’abasirikare cyangwa n’abapolisi ?

le témoin 82 : Ntabo nabonye.

L’Interprète : Je ne les ai pas vus.

Le Président : Oui.

Me. VANDERBECK : Une dernière question, Monsieur le président. Je voudrais savoir, je suppose que la réponse est négative, mais si le témoin est au courant des accusations qu’a portées contre elle sœur, enfin l’ex-sœur Marie-Bernard, le témoin 44, dans sa plainte avec constitution de partie civile, déposée entre les mains du juge d’instruction VANDERMEERSCH, le 29 juillet 1997 ? Deux accusations précises, la première étant que sœur Cécile aurait refusé de soigner les personnes qui se trouvaient au centre de santé, et la seconde étant que sœur Cécile aurait montré une certaine satisfaction à la fin des massacres en disant : « On a tué tous les Inkotanyi ». Quelle est sa réaction par rapport à ça ?

Le Président : D’abord, y avait-il deux sœurs Cécile à Sovu ?

L’Interprète : Hari ababikira babiri bitwa Cécile i Sovu ?

le témoin 82 : Nijye mpari wagumanye izina. Hari undi mbere ariko yari yarahinduye izina.

L’Interprète : Il y en avait une autre mais qui avait changé de nom ; je suis la seule à avoir gardé ce prénom.

Le Président : Saviez-vous que vous étiez accusée de ne pas avoir apporté des soins aux réfugiés du centre de santé ? Que vous vous êtes réjouie de la mort des Tutsi ?

L’Interprète : Waruzi ko warezwe ko utavuye impunzi zari ziri muri centre de santé kandi wishimiye urupfu rw’abatutsi ?

le témoin 82 : Ibyo numvise ko ari rumeur, biramblessa, nibaza umuntu wabivuze naho yabihereye, ko njye ntabikoze.

L’Interprète : J’ai entendu ça, j’ai cru que c’étaient des rumeurs, j’avais été blessée et je me demandais de savoir la personne qui avait propagé cette rumeur parce que moi, je n’ai pas fait ça.

Le Président : Une autre question ? Maître WAHIS ?

Me. WAHIS : Une seule question, Monsieur le président. Est-ce que, en même temps que le témoin, sœur Solange a également soigné des réfugiés ?

Le Président : Sœur Solange a-t-elle, comme vous, soigné les réfugiés ?

L’Interprète : Nkawe, sœur Solange nawe yavuye impunzi ?

le témoin 82 : S’ukuvuga ko twavuye impunzi zonyine. Bikir’imbere, twavuranaga bose hamwe n’abaturage.

L’Interprète : Cela ne veut pas dire qu’on a soigné seulement les réfugiés. Au début, on soignait tout le monde, même la population,

le témoin 82 : Nuko nyuma rero bikubise, twese turirukanka, ntihagira uwongera kuhagaruka. Nibwo baza bakabica.

L’Interprète : Et quand les troubles ont éclaté, nous avons couru et plus personne n’y est retourné, et c’est à ce moment qu’ils ont été tués.

Le Président : D’autres questions ? Madame le 12e juré suppléant ?

Le 12e Juré suppléant  : Monsieur le président, le témoin vient de nous dire qu’au centre de santé, le responsable du centre nutritionnel avait continué à nourrir. Est-ce les réfugiés ou simplement les enfants mal nourris qui sont normalement dans ce centre nutritionnel ? Merci.

Le Président : Le responsable du centre nutritionnel a-t-il continué à nourrir les personnes qui venaient habituellement à ce centre nutritionnel ou bien s’est-il chargé de distribuer la nourriture aussi aux réfugiés qui se trouvaient là, de manière inhabituelle ?

L’Interprète : Uwarushinzwe centre nutritionnel, yagaburiye abantu bose bazag’ahongaho cyangwa se n’impunzi zazag’ahongaho, muri centre nutritionnel ?

le témoin 82 : Namuvuze kubera ko ariwe waruzi ibikoresho aho biri, yarabaherezaga bakitekera, gutyo.

L’Interprète : J’ai parlé de lui parce que c’est le seul responsable qui savait où se trouvaient tous les ustensiles, et il les remettait à ces réfugiés et ils cuisaient eux-mêmes.

le témoin 82 : Ariko abari bari mu rugo iwacu, bimaze kukobota bose bar’iwacu, maria Kizito niwe wabagaburiraga.

L’Interprète : Mais ceux qui se trouvaient au couvent, lorsque la situation s’est aggravée, c’est sœur Kizito qui leur donnait à manger et,

le témoin 82 : Ariko n’ababikira bose baratekaga, Kizito akabashyira.

L’Interprète : Toutes les religieuses faisaient la cuisine, et sœur Kizito allait distribuer la nourriture.

Le Président : Au couvent même, cela ou bien au centre de santé ?

L’Interprète : Mu kigo ibyongibyo cyangwa se muri centre de santé ?

le témoin 82 : Njye ndavuga mu kigo barimo, byakomeye ntawe ukibasha gusohoka, nabo muri centre bazamutse.

L’Interprète : Je parle du couvent, de l’intérieur du couvent, au moment où la situation était difficile et que personne ne pouvait sortir, et à ce moment, ceux qui se trouvaient au centre de santé étaient montés aussi au couvent.

Le Président : Oui, une autre question ? Madame le 4e juré suppléant ?

Le 4e Juré suppléant : Merci. Je voudrais savoir si le témoin sait quelque chose de l’utilisation de l’ambulance du centre de santé ou du couvent, avant le 22 avril.

Le Président : Savez-vous quelque chose, Madame, de l’utilisation qui aurait pu être faite de l’ambulance du couvent, non, l’ambulance du centre de santé, avant le 22 avril ?

L’Interprète : Har’icyo waba uzi ambulance ya centre de santé yaba yarakoreshejwe mbere y’italiki ya 22 y’ukwezi kwa kane ?

le témoin 82 : Icyo nzi njye ubwanjye, kuri 17 nimugoroba, haje abantu bose bakomeretse bavirirana, ambulance narayikoresheje, narayifashe njya guhamagara uwari responsable

L’Interprète : Ce que je sais, c’est que le 17 avril, il y a eu beaucoup de gens qui sont venus au centre de santé, des blessés,

le témoin 82 : Deux.

L’Interprète : On parle maintenant de deux blessés et que ce jour-là, elle a utilisé l’ambulance, en allant appeler

le témoin 82 : Nabonye ar’ibintu ntabasha gushobora, birengeje compétences zanjye.

L’Interprète : J’ai vu que la situation était au-dessus de mes compétences,

le témoin 82 : Njya guhamagara sœur Jean-Paul wari titulaire.

L’Interprète : Je suis allée appeler sœur Jean-Paul qui était titulaire,

le témoin 82 : Tuje rero asanga nawe bikomeye, tubajyana kuri hôpital universitaire y’i Butare.

L’Interprète : Et arrivée, elle a remarqué également que c’était très grave et nous les avons conduits à l’hôpital universitaire de Butare.

le témoin 82 : Icyo gihe ndanabyibuka kuko abaturage barashakuje ngo : « Urimo urajyana abicanyi », ngo nibiki, ngo : « Twagukubita nawe tukakwica, bakavuga ko twishe umubikira ».

L’Interprète : Je me souviens même que les habitants s’étaient révoltés en disant que je rendais service aux ennemis et qu’ils étaient aussi capables de me tuer, même si j’étais religieuse.

Le Président : Une autre question ? Maître VERGAUWEN ?

Me. VERGAUWEN : Une précision, Monsieur le président, au sujet du centre nutritionnel. Le témoin pourrait-il nous dire qui était le responsable du centre nutritionnel ?

Le Président : Qui était responsable, Madame, du centre nutritionnel ?

L’Interprète : Ushobora kuvuga uwarushinzwe iyo centre nutritionnel ?

le témoin 82 : Ubusanzwe ntabwo arukuvuga ngo centre nutritionnel ifite responsable tel que uri hejuru. Uri hejuru aba aruwa centre de santé.

L’Interprète : D’habitude, on ne peut pas dire que le centre nutritionnel a un responsable particulier, mais le responsable, c’est celui du centre de santé. C’est ce responsable du centre du santé,

le témoin 82 : Akagenda noneho rero adutaburira umuntu service ye akaba ariwe uyibereye responsable. Icyo gihe rero uwari responsable ni… ninde ra ? Ntabwo nibuka izina neza buretse riraza.

L’Interprète : Qui dotait les responsabilités à chacun d’entre nous et à ce moment, celui qui était responsable du centre nutritionnel, elle ne se souvient plus de son nom. Elle pense pouvoir s’en souvenir d’ici peu.

le témoin 82 : Ni Madame Concessa.

L’Interprète : C’est Madame GOUSSENS.

Le Président : C’était une religieuse ?

le témoin 82 : Oya ;

L’Interprète : Non.

Le Président : Madame GOOSSENS ?

L’Interprète : GOSSENS cyangwa Concessa

le témoin 82 : Concessa.

L’Interprète : Concessa, pas GOUSSENS.

Le Président : Une autre question ? S’il n’y a plus de questions, les parties sont-elles d’accord pour que le témoin se retire ? Madame, confirmez-vous les déclarations que vous avez faites aujourd’hui ? Persistez-vous dans ces déclarations ?

L’Interprète : Urahamya ibyo wavuze uyu munsi, urabihamya ukomeje ?

le témoin 82 : Ndabihamya.

L’Interprète : Je le confirme.

Le Président : La Cour vous remercie pour votre témoignage. Vous pouvez disposer de votre temps, tout en restant administrativement à la disposition de la Cour jusqu’à votre retour au Rwanda.

L’Interprète : Urukiko ruragushimiye, ushobora gukora icyo ushaka ariko ugomba kuguma mu maboko yarwo, kugeza igihe uzasubirira mu Rwanda.

le témoin 82 : Barakoze.

L’Interprète : Je vous remercie également.

Le Président : Bien.