8.6.21. Audition des témoins: le témoin 82
Le Président : Le témoin
suivant pourra approcher. Il s’agit du témoin 82. Vous souhaitez un
interprète, Madame ?
L’Interprète : Urashaka ugusemurira ?
le témoin 82 : Ndabishaka.
L’Interprète : Oui,
je souhaite.
Le Président : Alors, Monsieur
l’interprète, voulez-vous bien demander au témoin quels sont ses nom et prénom ?
L’Interprète :
Amazina yawe yombi ?
le témoin 82 :
Nitwa mama le témoin 82.
L’Interprète : Je m’appelle
mama le témoin 82.
Le Président : Quel âge a
le témoin ?
L’Interprète : Ufite imyaka
ingahe ?
le témoin 82 : 37.
L’Interprète : 37 ans.
Le Président : Quelle est
sa profession ?
L’Interprète : Ukora iki ?
le témoin 82 : Nihaye Imana.
L’Interprète : Je suis
religieuse.
Le Président : Quelle est
sa commune de résidence ?
L’Interprète :
Utuye mu yihe komine ?
le témoin 82 : Ntuye i Maraba.
L’Interprète : Dans
la commune de Maraba.
Le Président : Connaissait-elle
les accusés ou une partie des accusés avant le mois d’avril 1994 ?
L’Interprète : Abaregwa warubazi
cyangwa bamwe muribo mbere y’ukweze kwa kane 94 ?
le témoin 82 : Nzi bariya
babikira babiri bacu.
L’Interprète : Je connais
les deux sœurs qui appartiennent à notre congrégation.
Le Président : Est-elle de
la famille des accusés ou de la famille des personnes qui réclament des dommages
et intérêts aux accusés ?
L’Interprète : Har’icyo upfana
n’abaregwa cyangw’abareger’indishyi ?
le témoin 82 : Mama Gertruda
ni mukuru wanjye mu muryango.
L’Interprète : Sœur
Gertrude est ma grande sœur dans la congrégation.
Le Président : Oui, mais
je parle de la famille non pas au sens religieux, mais au sens génétique, si
je puis dire.
L’Interprète : C’est
ça, excusez-moi.
Le Président : Est-ce que
dans ce sens-là, elle est membre de la famille des accusés ou des personnes
qui réclament des dommages et intérêts aux accusés ?
L’Interprète : Muri ubwo
buryo, har’icyo upfana n’abaregwa cyangwa n’abareger’indishyi ?
le témoin 82 : Mama Gertruda
ni mukuru wanjye muri congrégation kandi ni mukuru wanjye mu muryango, famille
tuvukamo.
L’Interprète : Sœur
Gertrude est ma grande sœur dans la congrégation et dans ma famille.
Le Président : Le témoin
a-t-il le même père et la même mère que sœur Gertrude ?
le témoin 82 : Oya.
L’Interprète : Non.
Le Président : Le même père
seulement ou la même mère seulement ?
L’Interprète : Se gusa cyangwa
se umukecuru gusa ?
le témoin 82 : Ba papa bacu
n’ababyara.
L’Interprète : Nos pères
sont des cousins.
Le Président : Elle n’est
pas reprochable par ce lien de parenté. Le témoin est-il sous contrat de travail,
sous contrat d’emploi avec les accusés ou les personnes qui réclament des dommages
et intérêts aux accusés ?
L’Interprète : Hari
abo ukorera mu baregwa cyangwa mu baregera indishyi ? Hari akazi ubakorera
bakuriha?
le témoin 82 :
Ntacyo mbakorera.
L’Interprète : Non.
Le Président : Voulez-vous
bien inviter le témoin à lever la main droite et à prononcer le serment de témoin ?
L’Interprète : Ushobora kuzamur’akaboko
k’iburyo ukarahira ?
le témoin 82 : Ndahiriye
kuvuga ukuri gusa, nta rwango, nta mususu.
L’Interprète : Je jure de
parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Vous pouvez
prendre place tous deux…
[Interruption d’enregistrement]
L’Interprète : Kuva ryari
uri muri communauté ya Sovu ?
le témoin 82 : Guhera kw’itariki
ya 8 mu kwezi kwa cyenda 1986.
L’Interprète : Depuis
le 8 septembre 1986.
Le Président : Aviez-vous
des responsabilités particulières dans ce couvent, au mois d’avril 1994 ?
L’Interprète : Hari ibintu
byiharirwa warushinzwe mur’icyo kigo mu kwezi kwa kane 94 ?
le témoin 82 : Nta kintu
kihariye narinshinzwe, nari umunyeshui.
L’Interprète : Je n’avais
aucune responsabilité particulière ; j’étais élève ou étudiante.
Le Président : Quel genre
d’études faisiez-vous à cette époque-là ?
L’Interprète : Wigaga iki,
icyo gihe ?
le témoin 82 : Infirmière.
L’Interprète : Je faisais
les études d’infirmière.
Le Président : Est-ce qu’en
qualité d’élève infirmière, vous vous occupiez du centre de santé de Sovu ?
Cécile le témoin 82 : Uri
umunyeshuli, wigaga ibyo bya infirmière byo kuvura, warutegetswe kureba iyo
centre ya Sovu ?
le témoin 82 : Ntabwo narimbitegetswe,
uretse ko mu biruhuko najyaga gukora stage.
L’Interprète : Je n’étais
pas responsable de ce centre, mais pendant les vacances, j’y allais en stage.
Le Président : En avril 1994,
c’était les vacances de Pâques ?
L’Interprète : Mu kwezi
kwa kane muri 94, byar’ibiruhuko bya Pasika ?
le témoin 82 : Yego.
L’Interprète : Oui.
Le Président : Avez-vous,
pendant ces vacances de Pâques, travaillé au centre de santé de Sovu ?
L’Interprète : Mur’ibyo biruhuko
bya Pasika, wakoze mur’iyo centre de santé ya Sovu ?
le témoin 82 : Mur’iyo centre
de santé narindimo. Nakoze stage.
L’Interprète : Je me
trouvais dans ce centre de santé, en stage.
Le Président : Avez-vous
vu arriver dans ce centre de santé des réfugiés ?
L’Interprète : Wabonye impunzi
ziza mur’iyo centre de santé ?
le témoin 82 : Zarahaje.
L’Interprète : Ils sont
venus.
Le Président : Vous êtes-vous
occupée des réfugiés qui sont arrivés au centre de santé ?
L’Interprète : Witaye kur’izo
mpunzi zaje mur’iyo centre de santé ?
le témoin 82 : Narazivuye
nkurikije ubushobozi bwanjye n’ubwenge kuko nari stagiaire.
L’Interprète : Je les
ai soignés, suivant mes possibilités et mon intelligence, parce que j’étais
stagiaire.
Le Président : Avez-vous,
notamment, été amenée à fournir de la nourriture aux personnes qui étaient réfugiées
au centre de santé ?
L’Interprète : Hari ubwo
wigeze ugabulira izo mpunzi zaje muri centre de santé ?
le témoin 82 : Byitabwagaho
n’uwo muri centre nutritionnel, niwe wabatekeraga, akabafasha, akabagabulira.
L’Interprète : C’était
le responsable du centre nutritionnel qui s’occupait d’eux ; il leur faisait
à manger, il le leur donnait.
Le Président : Avez-vous
constaté qu’à un moment, les réfugiés ont été regroupés au centre de santé ?
L’Interprète : Har’igihe
wigeze ubona izo mpunzi bazikoranyiriza muri centre de santé ?
le témoin 82 : Ntabwo mbibona,
ntabwo numva ikibazo ashaka kuvuga.
L’Interprète : Niba
har’igihe wigeze ubona, bafata izo mpunzi, bakazikoranyiriza muri centre de
santé.
le témoin 82 : Zahaje gutyo
zose ari nyinshi, zirahaguma.
L’Interprète : Ils se
sont rendus nombreux au centre de santé, ils sont restés.
Le Président : Avez-vous
constaté, éventuellement, que des personnes qui s’étaient réfugiées au couvent
ont été amenées du couvent au centre de santé ?
L’Interprète : Har’igihe
wigeze ubona, abantu bari bahungiye mu kigo cy’ababikira, babahakuye, bakabazana
muri centre de santé ?
le témoin 82 : Ntabyo nabonye.
L’Interprète : Je n’ai
pas vu cela.
le témoin 82 : Niba byarabaye
simbyibuka.
Le Président : Oui ?
L’Interprète : Je n’ai
pas vu ça et je ne m’en souviens pas.
Le Président : Avez-vous
éventuellement constaté que des militaires ou des policiers surveillaient ou
assuraient la protection des réfugiés au centre de santé ?
le témoin 82 : Ibyo narabibonye.
L’Interprète : Oui,
ça j’ai vu.
Le Président : Combien de
personnes et de quel genre de personnes s’agissait-il ? S’agissait-il de
militaires ou de policiers ?
L’Interprète : Abo bantu
nibangahe kandi bari abantu bameze bate ? Bari abasirikare cyangwa se abapolisi ?
le témoin 82 : Abo nabonye,
n’abapolisi babili.
L’Interprète : Ce que
j’ai vu, il s’agit de deux policiers.
Le Président : Savez-vous
qui avait fait appel à ces policiers ?
L’Interprète : Uzi uwari
wahamagaye abo bapolisi uwo ariwe ?
le témoin 82 :
Mama Gertruda. Abinyujije kuri bourgmestre.
L’Interprète : C’est
la sœur Gertrude, c’est la sœur Gertrude, en passant par le bourgmestre.
Le Président : Et ces policiers,
assuraient-ils réellement la protection des réfugiés ?
L’Interprète : Abo bantu
barindaga mu byukuri izo mpunzi ?
le témoin 82 : Ntabwo mbizi
kuko baje bavuga ko baje kuturinda.
L’Interprète : Je n’en
sais rien parce qu’en venant, ils disaient qu’ils venaient nous protéger.
Le Président : Connaissez-vous
le témoin 110 ?
L’Interprète : Uzi umuntu
witwa le témoin 110,
le témoin 82 : Ndamuzi.
L’Interprète : Je le
connais.
Le Président : Vous souvenez-vous
si le témoin 110 a amené de la nourriture au couvent ?
L’Interprète : Uribuka
niba le témoin 110, har’ibyo kurya yazanye mu kibikira ?
le témoin 82 : Numvise
babivuga ariko ntabwo nigeze mubon’abizana.
L’Interprète : Je l’ai
entendu dire, mais je ne l’ai pas vu venir l’apporter.
Le Président : Le 22 avril
1994, il y a eu une très forte attaque des Interahamwe contre les réfugiés qui
se trouvaient au centre de santé.
L’Interprète : Kw’italiki
ya 22 mu kwezi kwa kane muri 94, har’igitero gikomeye cyateye muri centre de
santé, aho impunzi zari zahungiye ?
le témoin 82 : Kirahari.
L’Interprète : Oui.
Le Président : Avez-vous
vu, donc assisté à cette attaque ?
L’Interprète : Warabibonye
n’amaso yawe ?
le témoin 82 : Ntabwo nabibonye
n’amaso yanjye kuko cyaraje, duhita tuzamuka tulirukanka n’abantu bose baranyanyagira.
Gusa nababonye bagose urugo.
L’Interprète : Je n’ai
pas assisté à cette attaque mais lorsque l’attaque a commencé, tout le monde
s’est enfui et j’ai vu tout simplement qu’on commençait à encercler le couvent.
Le Président : Pendant l’attaque,
où vous trouviez-vous personnellement ?
L’Interprète : Mur’icyo gitero,
wari ahagana hehe, wowe ubwawe ?
le témoin 82 : Nari mu kigo
imbere mu machambre. Turi kumwe n’abandi, mu macouloir, dushaka uburyo twakwihisha,
ahari ubwihisho kugirango batatugwaho.
L’Interprète : Je me
trouvais à l’intérieur du couvent en compagnie des autres, en cherchant où nous
réfugier pour que cette attaque ne nous tombe pas dessus.
Le Président : Avez-vous
éventuellement constaté que dans le courant de la journée du 22 avril,
pendant cette attaque, des religieuses auraient quitté le couvent pour se rendre
à l’extérieur ?
L’Interprète : Hari ubwo
wabonye mur’icyo gihe k’igitero kw’italiki ya 22 z’ukwezi kwa kane, waba warabonye
ababikira bavuye mu kigo, basohoka bakajya hanze ?
le témoin 82 : Nta numwe
nabonye.
L’Interprète : Je n’en
ai vu aucune.
Le Président : Après l’attaque,
vous êtes-vous rendue au centre de santé pour voir s’il y avait des gens à soigner ?
L’Interprète : Nyuma y’igitero,
wasubiye muri centre de santé kugirango urebe niba hari abantu wagombaga kuvura ?
le témoin 82 : Ntabwo
nagombaga gusubirayo kuberako nari nagiz’ubwoba, kubera kuri 24 bamaze kwica
kuri centre, baravuga ngo bukeye ni twebwe, bucya duhunga.
L’Interprète : Je ne
pouvais pas y retourner parce que j’avais pris peur, et on avait dit qu’après
le 22, le lendemain c’était à notre tour et le lendemain, nous avons fui.
Le Président : Lorsque vous
avez fui, sœur Kizito et sœur Gertrude étaient-elles avec vous ?
le témoin 82 : Muhunga,
sœur Gertrude na sœur Kizito mwari kumwe ?
le témoin 82 : Twari
turi kumwe kuko mama Gertruda niwe wadutwaye muri Combi.
L’Interprète : Nous
étions ensemble, parce que c’est sœur Gertrude qui nous a conduites dans notre
combi.
Le Président : Avez-vous
remarqué, en passant à proximité du centre de santé, qu’il pouvait peut-être
y avoir des corps étendus sur la route ?
L’Interprète : Muhunga
icyo gihe, waba warabonye muri centre de santé niba har’intumbi mu muhanda zar’iruhande
rwahongaho ?
le témoin 82 : Njye
nta kintu nabonye kuko narimfite ubwoba, twicaye, ntabwo nakebukaga ngirango
ndebe hirya no hino.
L’Interprète : Je n’ai
rien vu, parce qu’à ce moment, j’étais apeurée et puis je ne pouvais pas regarder
ni à gauche ni à droite.
Le Président : Vous vous
êtes réfugiée, donc avec toute la communauté, sauf sœur Scholastique, sœur Bénédicte
et sœur Fortunata, à Ngoma ?
L’Interprète : Ntabwo
mwahungiye i Ngoma mwese usibye sœur Scholastique, sœur Benedicte, sœur Fortunata ?
le témoin 82 : Yego.
L’Interprète : Oui.
Le Président : La situation
à Ngoma était-elle meilleure qu’au couvent ?
L’Interprète : I Ngoma
hari heza kurusha mu kigo ?
le témoin 82 : I
Ngoma ntabwo hari heza kuko naho twagezeyo, bahita batumenaça. Interahamwe zikaza
buri kanya, bigeza naho Mameya atang’amafaranga, bakaduhagurutsa, bashaka kutwica.
L’Interprète : A Ngoma,
la situation n’était pas meilleure parce que, arrivées là, nous avons aussi
été menacées et on disait qu’on allait venir nous tuer à tout moment, jusqu’au
point où la sœur supérieure a donné de l’argent pour qu’on nous épargne.
Le Président : Qui a décidé
alors de revenir à Sovu ?
L’Interprète : Ninde
wemeje gusubira i Sovu ?
le témoin 82 : Ntabwo
navuga ngo n’uyu n’uriya kuko twese twabonaga ko hose ari kimwe, ar’i Sovu barazengurukaga
urugo bashaka kutwica, ari ahongaho bakazenguruka urugo bagashaka kutwica. Duhita
aho kugirango dupfire ku gasosi, dujye gupfira iwacu.
L’Interprète : Je ne
peux pas dire que c’est tel ou tel autre qui a décidé de retourner à Sovu parce
que, que ce soit à Sovu, que ce soit à Ngoma, c’était la même chose, mais il
était préférable de retourner à Sovu, mourir à Sovu que de mourir à Ngoma.
Le Président : Connaissez-vous
Emmanuel REKERAHO ?
L’Interprète : Uzi umuntu
witwa Emmanuel REKERAHO ?
le témoin 82 : N’ukumva
bamuvuga ntabwo muzi.
L’Interprète : J’entends
parler de lui, mais je ne le connais pas personnellement.
Le Président : Vous ne l’avez
jamais vu ?
L’Interprète : Ntabwo
wigeze umubona ?
le témoin 82 : Ntawe
nabonye.
L’Interprète : Je ne
l’ai jamais vu.
Le Président : Il n’est jamais
venu au couvent ?
L’Interprète : Ntabwo
yigeze aza mu kigo ?
le témoin 82 : Numva
ngo yaje ariko ntabwo nigeze mubona. Sinzi niba yaranaje cyangwa niba ataraje,
ntabyo nzi.
L’Interprète : J’ai
entendu dire qu’il y était venu, mais je ne l’avais jamais vu, je ne sais pas
s’il était venu ou pas.
le témoin 82 : Yazaga
gutwar’abantu bahari.
L’Interprète : Il venait
chercher les gens qui s’y trouvaient.
Le Président : Mais vous-même
vous ne l’avez jamais vu et vous ne l’avez jamais entendu parler dans le couvent ?
L’Interprète : Wowe
ubwawe ntiwigeze umubona cyangwa ngo wumve avugira mu kigo ?
le témoin 82 : Ndumva
ntawe nabonyemo. Ariko yaraje.
L’Interprète : Je pense
ne l’avoir jamais vu mais je sais qu’il est venu.
Le Président : Le lendemain
du retour de Ngoma au couvent, avez-vous assisté au rassemblement des réfugiés
qui se trouvaient à l’intérieur du couvent ?
L’Interprète : Bukeye
mwavuye i Ngoma, harubwo waba warabonye bakoranya impunzi zali mu… ?
le témoin 82 : Barazikoranyije
zose natwe hamwe nabo, batubwira uko situation imeze.
L’Interprète : A ce
moment, on les a réunis, nous avec et on nous a parlé de la situation du moment.
Le Président : Qui vous a
parlé de cette situation ?
L’Interprète : Ninde
wababwiye ko… iyo situation ?
le témoin 82 : Ndumva
ari mama Gertruda, sinzi undi bari kumwe, ariko barabitubwiye icyo gihe.
L’Interprète : Je pense
qu’il s’agit de sœur Gertrude, je ne me souviens plus de l’autre personne qui
était en sa compagnie, et ils nous l’ont dit à ce moment.
Le Président : Et vous n’avez
pas vu REKERAHO ce jour-là ?
L’Interprète : Uwo munsi
ntabwo wabonye REKERAHO,
le témoin 82 : Ntabwo
mbyibuka.
L’Interprète : Je ne
m’en souviens pas.
Le Président : Quelle explication
sœur Gertrude a-t-elle donnée de la situation ?
L’Interprète : Sœur
Gertrude ababwira ibyerekeye iyo situation yavuze iki ? Yasobanuye iki ?
le témoin 82 : Yatubwiraga
ko tubona twese ko biturangiriyeho, ngo twitegure gupfa.
L’Interprète : Elle
nous disait qu’elle voyait que tout était fini pour nous et de nous préparer
à mourir.
Le Président : A-t-elle invité
les réfugiés à quitter le couvent ?
L’Interprète : Hari
ubwo yabwiye impunzi ngo zive mu kigo ?
le témoin 82 : Ngirango
ko bari bavuze ngo ababikira nibagumamo, ngo impunzi zigende ngo uretse impunzi.
Ibyo byo yarabitubwiye.
L’Interprète : Oui,
à ce moment, elle a dit que les sœurs devaient rester à l’intérieur du couvent
et que les réfugiés devaient partir.
le témoin 82 : Nibyo
bari bamubwiye.
L’Interprète : Et c’est
ce qu’on venait de lui dire aussi.
Le Président : Et les réfugiés
ont-ils été d’accord de quitter le couvent ?
L’Interprète : Impunzi
zemeye kuva mu kigo ?
le témoin 82 : Zaragiye.
L’Interprète : Oui,
ils sont partis.
Le Président : Ont-ils expliqué
pourquoi ils partaient ?
L’Interprète : Basobanuye
impamvu yatumye bagenda ?
Cécile le témoin 82 : Ubwo
babonaga ko ari hahandi habo, bakavuga bati, aho kugirango tube danger, kubera
mwe, reka twigendere.
L’Interprète : Eux,
ils voyaient que de toute façon c’était la même chose pour eux. Au lieu de constituer
un danger pour les sœurs, ils ont dit qu’ils préféraient partir, de toute façon
qu’ils allaient mourir.
Le Président : Certains ont-ils
insisté sur le fait qu’ils pouvaient constituer un danger pour les sœurs et
que c’est peut-être la raison pour laquelle ils partaient ?
L’Interprète : Hari
bamwe muribo bemezaga ko bashobora kuba ikibazo ku babikira, ko ariyo mpamvu
yatumye bagenda ?
le témoin 82 : Ntabwo
mbizi, ni décision yabo.
L’Interprète : Je n’en
sais rien, c’est leur décision.
Le Président : Avez-vous
vu des militaires ou des miliciens à l’intérieur du couvent ce jour-là ?
L’Interprète : Hari
abasilikare cyangw’abapolisi waba warabonye mu kigo uwo munsi ?
le témoin 82 : Uwo munsi
ndumva ntabo nabonye.
L’Interprète : Je pense
que je n’en ai pas vu ce jour-là.
Le Président : Avez-vous
vu éventuellement que l’on faisait un tri entre Tutsi et Hutu ?
L’Interprète : Waba
warabonye barobanur’abahutu n’abatutsi ?
le témoin 82 : Ntabyo
nabonye.
L’Interprète : Je n’ai
pas vu ça.
Le Président : Avez-vous
constaté que certains réfugiés sont quand même restés dans le couvent ce jour-là ?
L’Interprète : Waba
warabonye niba impunzi zimwe zarasigaye mu kigo uwo munsi ?
le témoin 82 : Ababyeyi
b’ababikira bacu barasigaye.
L’Interprète : Les membres
des familles des sœurs, de nos sœurs, sont restés à l’intérieur du couvent.
Le Président : Savez-vous
pourquoi eux ont pu rester ?
L’Interprète : Uz’impamvu
yatumye bo basigara ?
le témoin 82 : Sinasobanura
ngo n’ibi n’ibi cyangwa… ndumva ari décision… ubundi bakurikiraga ibyo REKERAHO
aje akavuga ati : « Ibi nimubikore gutya », ahandi ibyo simbizi.
L’Interprète : Je ne
peux pas dire la raison pour laquelle ils ont pu rester, parce que parfois,
c’est REKERAHO qui venait et qui disait de faire ceci ou de faire cela, je n’en
sais pas plus.
Le Président : Après le 25
avril, y a-t-il encore eu des attaques d’Interahamwe contre le couvent ?
L’Interprète : Nyuma
y’italiki 25 z’ukwezi kwa kane, har’ibindi bitero by’Interahamwe byabaye ku
kigo ?
le témoin 82 : Ntabwo
basibaga. Buri munsi, kenshi barazaga,
L’Interprète : Ils nous
attaquaient chaque jour,
le témoin 82 : Bashakaga
ababikira cyangwa, hari n’igihe biburishije, har’igihe zigeze kwiburisha [Inaudible],
zikavuga ngo zayobewe imuhira iwacu ngo baje kuzishaka kandi bashaka kureb’abantu
barimo mu nzu imbere.
L’Interprète : Ils nous
attaquaient chaque jour ; parfois, ils venaient en cherchant les sœurs
et une fois, ils sont venus soi-disant que les réfugiés se trouvaient encore
à l’intérieur du couvent, ils sont venus à leur recherche.
Le Président : Quand les
membres des familles des sœurs ont-ils quitté le couvent ?
L’Interprète : Imiryango
y’ababyeyi b’ababikira yavuye mu kigo ryari ?
le témoin 82 : Le 6
mai.
L’Interprète : Le 6
mai.
Le Président : Pourquoi ont-ils
quitté à ce moment-là ?
L’Interprète : Kuki
bagiye icyo gihe ?
le témoin 82 : Ibyo
simvuga nabihagazeho kuberako baje bakabatwara, noneho bakavuga ngo ntanumwe
ugomba ngo gusigara, nabo bari basigaraje ngo reka babajyane, hasigare ababikira
bonyine.
L’Interprète : Je n’ai
pas assisté à leur départ, mais j’avais entendu dire qu’ils devaient absolument
partir, que seules les religieuses pouvaient rester à l’intérieur du couvent.
Le Président : Qui disait
cela ?
L’Interprète : Ninde
wabivugaga ?
le témoin 82 : Bavugaga
ko ariko REKERAHO avuze.
L’Interprète : On disait
que c’était REKERAHO qui avait donné l’ordre.
Le Président : Avez-vous
vu le bourgmestre le 6 mai ?
L’Interprète : Wabonye
bourgmestre kw’italiki ya 6 ?
le témoin 82 : Numvise
ko yaje ariko ntabwo namubonye.
L’Interprète : J’ai
entendu dire qu’il était venu mais je ne l’ai pas vu.
Le Président : Savez-vous
qui aurait invité le bourgmestre à venir le 6 mai ?
L’Interprète : Ushobora
kuba uzi uwasabye bourgmestre kugirango aze kuriyo taliki ya 6 ?
le témoin 82 : Ni Gertrude.
L’Interprète : Sœur
Gertrude.
Le Président : Rien que sœur
Gertrude ou bien sœur Gertrude avait-elle fait une démarche accompagnée de quelqu’un
d’autre ?
L’Interprète : Ni sœur
Gertrude wenyine cyangwa se yari yakoze démarche yaherekejwe n’undi muntu ?
le témoin 82 : Ntabwo
mbizi niba yaraherekejwe n’undi muntu, njye nzi ko ariwe wabahamagaye.
L’Interprète : Je ne
sais pas si elle était en compagnie de quelqu’un d’autre, mais je sais que c’est
elle qui l’avait appelé.
Le Président : Pourquoi alors
avez-vous déclaré dans une précédente déclaration que vous ne croyiez pas que
c’était sœur Gertrude qui avait demandé l’intervention du bourgmestre ?
L’Interprète : Kuki
mu nyandiko mvugo iherutse wari wavuze ko atari sœur Gertrude wari wahamagaye
bourgmestre ?
le témoin 82 : Ndumva
ariko nari nabyanditse, ko yakoze appel au bourgmestre.
L’Interprète : Je crois
pourtant que j’avais déclaré qu’elle avait fait appel au bourgmestre.
Le Président : Avez-vous
entendu que sœur Gertrude demandait au bourgmestre de protéger les gens que
le bourgmestre venait chercher ?
L’Interprète : Hari
ubwo wigeze wumva sœur Gertrude asaba Bourgmestre kurind’abantu yaraje gushaka ?
le témoin 82 : Abo amafamille,
nzi ko ubwambere bigitangira ariho abapolisi baje ariwe ubahamagaye, ariko ibyo
bya nyuma byinshi har’ibyo ntazi, nari nifitiye ubwoba ndi mu nzu.
L’Interprète : Je sais
qu’au début, au départ, que sœur Gertrude avait fait, donc le bourgmestre était
venu au sujet,
le témoin 82 : Ntabwo
yaje, n’abapolisi yohereje.
L’Interprète : Que les
policiers étaient venus de la part du bourgmestre pour protéger ces familles
des sœurs et ce qui s’est passé après, je n’en sais rien, parce que j’avais
peur et j’étais cloîtrée à l’intérieur de ma chambre.
Le Président : Connaissez-vous
Gaspard RUSANGANWA ?
L’Interprète : Uzi
Gaspard RUSANGANWA ?
le témoin 82 : Ndamuzi
kuko twari duturanye.
L’Interprète : Je le
connaissais parce qu’on était voisins.
Le Président : Savez-vous
si sœur Gertrude rencontrait parfois, en dehors du couvent, RUSANGANWA ?
L’Interprète : Uzi niba
sœur Gertrude yarahuraga na RUSANGANWA, bahuriye hanze y’ikigo ?
le témoin 82 : Ntabwo
mbizi.
L’Interprète : Je n’en
sais rien.
Le Président : Pendant les
événements d’avril et mai 1994, quelles étaient les religieuses qui quittaient
le couvent parfois ?
L’Interprète : Mu gihe
cy’intambara, mu kwezi kwa kane no mu kwezi kwa gatanu 94, ni abahe babikira
basohokaga bakajya inyuma y’ikigo ?
le témoin 82 : Inyuma
y’ikigo ntawajyagayo, ariko hanze inyuma y’urugi gutya muri clôture, Kizito
na Mameya barasohokaga bakumva aho ibintu bigeze kugirango batatwicira gutya
mu nzu, twese tutazi ibyabye.
L’Interprète : Personne
ne pouvait s’aventurer en dehors du couvent ; mais jusqu’au portail, la
sœur supérieure, sœur Gertrude, sœur Kizito s’y rendaient de temps en temps
pour savoir comment était la situation et trouver une solution pour pouvoir
nous protéger éventuellement.
Le Président : Y a-t-il des
questions à poser au témoin ? Maître Clément de CLETY a été le premier
à lever le doigt.
Me. de CLETY : Monsieur le
président, le témoin vient de nous apprendre qu’il y a eu des attaques constantes
après le 25 avril. Pourriez-vous lui demander s’il y a encore eu des attaques
après le 6 mai ?
Le Président : Après le 6
mai 1994, y a-t-il encore eu des attaques d’Interahamwe contre le couvent ?
L’Interprète : Har’ibindi
bitero by’Interahamwe byabaye nyuma y’itariki ya 6 z’ukwezi kwa gatanu 94 ?
le témoin 82 : Ndumva
ibyo nibuka, ababyeyi b’amafamille yarahari bamaze gupfa, habaye nkaho hari
akandu katari sécurité ariko, bakajya bavuga ko hari ababikira bashaka. Nta
gitero cyaje telle que… gutya, ariko bavugaga ko hari ababikira bashakaga ngo
uwamumuha bamutema. Ariko nta gitero cyongeye kuhacircula,
L’Interprète : Si je
me souviens très bien, il n’y a pas eu d’attaque comme telle, mais ils circulaient
aux alentours en cherchant, en disant, - ça c’était après la mort des familles
des sœurs - en disant qu’ils cherchaient les sœurs et que s’ils en trouvaient,
ils allaient les découper à la machette.
le témoin 82 : Ariko
nta gitero cyazaga nkuko bazaga. Ubundi barazaga bakazenguruka, bakavuza induru,
bakavuza urwamo n’imihoro n’iki, ariko ababyeyi bamaze gupfa ibyongibyo ntabwo
byongeye kuza tel quel.
L’Interprète : Après
la mort de ces familles, d’habitude les Interahamwes venaient et ils encerclaient
le couvent, ils criaient, ils tambourinaient ; mais après la mort de ces
familles, ça ne s’est plus jamais reproduit de la même manière.
Le Président : Oui ?
Me. de CLETY : Dans ses déclarations
du 22 décembre 1995, le témoin dit : « Je voulais
dire que les sœurs étaient considérées comme des malfaiteurs par les gens de
l’extérieur (les miliciens), les réfugiés étaient
donc plus en danger avec nous ». Comment expliquer cette situation
et cette déclaration avec ce qu’elle déclare maintenant, à savoir qu’il
n’y a plus eu d’attaque après le 6 mai ?
Le Président : Comment expliquez-vous
que les réfugiés auraient été plus en danger avec les sœurs que sans les sœurs ?
L’Interprète : Wasobanura
ute ko impunzi zari mu byago, ziri kumwe n’ababikira cyangwa zitari kumwe n’ababikira ?
le témoin 82 : Ibyo
ntabwo nzi uburyo nabisobanura mvuga ngo n’ukubera iyi mpamvu cyangwa n’ukubera
iyi mpamvu, njye nibwira ko wenda, kubera ko bari abaturage bari mu bandi, kandi
ari abandi babashaka, bitari nka kimwe.
L’Interprète : Je ne
peux pas, je ne sais pas comment l’expliquer mais, à mon avis, je pense que
c’est parce que ceux qui les cherchaient, c’étaient des voisins, mais je ne
peux pas dire que c’est à cause de ça ou s’ils étaient avec ou pas, avec les
sœurs, si ça aurait été plus grave ou pas.
Me. de CLETY : Dernière question,
Monsieur le président. Puisque le témoin ne nous apporte pas beaucoup de précisions,
peut-elle confirmer une petite phrase de sa déposition : « Vous savez, nous vivions cloîtrées et nous ne cherchions pas
à savoir ».
Le Président : Est-il exact
qu’en ce qui la concerne, en ce qui vous concerne, Madame, vous viviez cloîtrée
et vous ne cherchiez pas à savoir ?
L’Interprète : N’ibyukuri
ko ku bwawe, ku bikureba ubwawe, wabaga uri… ntabwo wasohokaga, ntabwo washakaga
no kumenya ibiba ?
le témoin 82 : Birashoboka
ko ntashakaga kumenya ibiba ?
L’Interprète : Ca ne
veut pas dire que je ne voulais pas savoir.
Le Président : Qu’est-ce
que ça veut dire alors ?
le témoin 82 : Njye,
icyo nadeclaye mvuga nuko nous ignorions… ibya politique tutari tubizi.
L’Interprète : Seulement
ce que j’ai déclaré ; c’est que nous n’étions pas informées de ce qui se
passait politiquement et ce que ces gens-là faisaient.
Le Président : Une autre
question ? Maître JASPIS.
Me. JASPIS : Monsieur le
président, le 28 avril 1995, le témoin a signé -je ne vais pas dire « a
rédigé » mais a signé - une assez longue déclaration, très détaillée, dactylographiée
très serrée, en faveur de sœur Gertrude. Cette déclaration était destinée à
venir à l’appui de la plainte déposée par sœur Gertrude pour diffamation contre
le journaliste de « Solidaire ». Je voudrais simplement que le témoin,
si vous le voulez bien, nous dise qui a dactylographié ce texte qui est écrit
en français parfait et sans la moindre faute d’orthographe, s’il vous plaît ?
Le Président : Vous souvenez-vous
avoir signé un document,
L’Interprète : Uribuka
niba har’ikintu wanditse,
Le Président : Qui a été
joint à la plainte de sœur Gertrude contre un journaliste qui avait écrit un
article la mettant en cause ?
L’Interprète : Uribuka
niba har’inyandiko cyangwa ikindi gikaratasi waba warasinye, cyari giherekeje
ikirego cya sœur Gertrude ?
le témoin 82 : Ndakibuka
ko nacyanditse.
L’Interprète : Je me
rappelle, je me souviens que je l’ai rédigé.
Le Président : Vous l’avez
rédigé vous-même, dactylographié vous-même ce texte ?
L’Interprète : Waracyanditse
wenyine, ucyandika kw’imashini wenyine ?
le témoin 82 : Naracyanditse,
barakinyandikira kw’imashini.
L’Interprète : Je l’ai
écrit et on me l’a tapé à la machine.
Le Président : Qui l’a tapé
à la machine ?
L’Interprète : Ninde
wakikwandikiye kw’imashini ?
le témoin 82 : Ni
supérieure w’urugo warunyandikiye, sœur Loïse, niwe warunyandikiye.
L’Interprète : C’est
la supérieure du couvent qui m’avait écrit, sœur Eloïse, sœur Loïse.
Le Président : Une autre
question ? Maître LARDINOIS ou Maître VERGAUWEN ? Maître LARDINOIS.
Me. LARDINOIS : Je vous remercie,
Monsieur le président. Le témoin a dit tout à l’heure qu’entre le 25 avril et
le 6 mai, le couvent a fait l’objet d’attaques quotidiennes. Il ressort du dossier
que le couvent ne porte aucune trace de destruction, le portail n’a pas été
défoncé.
Le Président : Votre question,
si vous voulez bien.
Me. LARDINOIS : Est-ce qu’on
peut demander au témoin en quoi consistaient ces attaques quotidiennes ?
Le Président : Les attaques
dont vous avez parlé, entre le 25 avril et le 6 mai, ça consistait en quoi,
de manière plus précise ?
L’Interprète : Ibyo
bitero wavuze byo hagati y’italiki 25 n’italiki mu kwezi kwa gatanu, byari bigamije
iki ?
le témoin 82 : Byari
bigamije ko bari bazi ko hakiri abantu mu rugo kandi bashaka kubica.
L’Interprète : Ces attaques
avaient pour objet de tuer les gens qui restaient à l’intérieur du couvent,
parce qu’ils savaient qu’il y en avait encore.
le témoin 82 : Uretse
ko icyo gihe natwe bashakaga kutwica, bakabwira mama Kizito ngo navemo niwe
muhutu urimo, ngo abandi bose n’Inkotanyi, ngo navemo bice abasigaye, ariyangira.
L’Interprète : Mis à
part qu’on nous disait aussi qu’on allait nous tuer et qu’eux, ils disaient
à mama Kizito de sortir du couvent parce qu’elle était Hutu et pour qu’ils puissent
nous tuer mais elle n’a pas voulu.
Le Président : Que faisaient
alors ces gens ?
L’Interprète : Abo bateraga
bakoraga iki rero icyo gihe ?
le témoin 82 : Barasakuzaga,
ukabona bameze nk’abasazi, bashaka kugirango abantu basohoke babice.
L’Interprète : Ils criaient,
ils harcelaient les gens, ils étaient devenus comme des fous, ils avaient seulement
envie de voir les gens sortir et les tuer.
Le Président : Oui ?
Me. LARDINOIS : Monsieur
le président, encore une petite question concernant cette lettre du 28 avril
1995. Si je comprends bien, le témoin l’a rédigée de manière manuscrite, puis
elle a été dactylographiée. Mais est-ce que sa forme manuscrite était en français ?
Le Président : Lorsque vous
avez rédigé la lettre en faveur de sœur Gertrude, c’était rédigé en français ?
L’Interprète : Iyo barwa
wanditse, urengera sœur Gertrude, wari wayanditse mu gifransa ?
le témoin 82 : Nayanditse
mu gifaransa.
L’Interprète : Je l’ai
écrite en français.
Me. LARDINOIS : Monsieur
le président, cette lettre est, comme mon confrère vient du relever, en français
absolument irréprochable, pourquoi demande-t-elle l’assistance d’un interprète
aujourd’hui ?
Le Président : Parce que
c’est son droit. Maître VERGAUWEN ?
Me. VERGAUWEN : Je vous remercie,
Monsieur le président. Pourriez-vous demander au témoin si elle sait où se trouvait
sœur Ermelinda pendant les événements ?
Le Président : Savez-vous
où se trouvait sœur Ermelinda pendant les événements d’avril, mai, juin même
1994 ?
L’Interprète : Uzi aho
sœur Emerlinda yari ari mu kwezi kwa kane, kwa gatanu yewe n’ukwa gatandatu
mu ntambara ?
le témoin 82 : Har’igihe
yabaga ari kumwe natwe, har’igihe ntamubonaga, ntabwo mbizi.
L’Interprète : Elle
était parfois en notre compagnie, parfois je ne la voyais pas, je ne sais pas.
Le Président : Une autre
question ?
Me. VERGAUWEN : Une autre
question, Monsieur le président. Le témoin a déclaré, le 22 décembre 1995,
aux enquêteurs : « Vous me demandez après la journée
du 6 mai si tout le monde a été tué » et elle a déclaré : « Il
y a des survivants parmi ceux que le bourgmestre a conduits à la préfecture ;
j’ai personnellement revu l’un d’entre eux avant d’être moi-même évacuée ».
Peut-elle le confirmer ?
Le Président : Vous souvenez-vous
avoir vu, avant votre évacuation du Rwanda, une des personnes qui avaient été
emmenées par le bourgmestre, le 6 mai, du couvent et qui auraient été amenées
à la préfecture de Butare ? Avez-vous vu une de ces personnes vivantes,
à Butare, j’imagine ou ailleurs ?
L’Interprète : Uribuka
niba, mbere yuki uva mu Rwanda, mu bantu bourgmestre yari yarajyanye kuri comine
y’i Butare, mu barokotse, uribuka niba hari uwo wabonyemo ?
le témoin 82 : Ndamubona,
ntabwo nibuka izina rye neza ariko yaraje aravuga ati : « Nanjye baratujyanye
kuri comine, nyuma none ndagarutse ». Ndamubona ariko ntabwo nibuka izina
rye. Ndamva yarabitubwiye gutyo, ariko naramubonye.
L’Interprète : Je vois
très bien de qui il s’agit, je ne connais pas son nom, mais quand la personne
est revenue de la commune, elle nous l’a dit, je l’ai vue mais je ne connais
pas son nom.
Le Président : Une autre
question ? Maître VANDERBECK ?
Me. VANDERBECK : Je vous
remercie, Monsieur le président. Je suis un peu désolé de revenir à cet épisode
du 23 avril, vous avez déjà plus ou moins posé la question, Monsieur le président,
mais est-ce qu’on pourrait demander plus précisément au témoin si elle a le
souvenir, faisant partie du premier convoi qui quitte très tôt le couvent, d’avoir
roulé sur des corps qui se trouvaient sur le chemin ?
Le Président : Lorsque vous
avez quitté le couvent, le 23 avril 1994, dans le véhicule que conduisait sœur
Gertrude, avez-vous le souvenir que l’on aurait pu rouler sur des corps qui
se trouvaient sur la route ?
L’Interprète : Igiha
muva mu kigo cy’ababikira kuri 23 mu kwezi kwa kane muri 94 mu modoka yaritwawe
na sœur Gertrude, uribuka niba yaba yaranyuze ku mirambo yar’irahongaho ?
le témoin 82 : Njye
ga ariko njyewe murimo kunsetsa. Ubwo waroula gute hejuru y’imirambo ?
L’Interprète : Mais
vous me faites rire, comment pouvez-vous voir si quelqu’un roule sur les cadavres ?
Le Président : Voilà, réponse.
Me. VANDERBECK : Je vous
remercie, Monsieur le président. Est-ce que vous pouvez également demander au
témoin, à l’occasion de ce qui s’est passé le 6 mai 1994, si elle a vu sœur
Kizito, et notamment si elle a vu que sœur Kizito accompagnait des militaires
dans les chambres des sœurs pour aller chercher les membres des familles des
sœurs ?
Le Président : Le 6 mai,
lorsque le bourgmestre est venu, avez-vous vu sœur Kizito en compagnie de policiers,
de militaires ?
L’Interprète : Igihe
bourgmestre yazaga kw’italiki ya 6 y’ukwezi kwa gatanu, waba warabonye sœur…
L’Interprète : Sœur
Kizito ?
Le Président : Oui, sœur
Kizito.
L’Interprète : Waba
warabonye sœur Kizito azanye n’abasirikare cyangwa n’abapolisi ?
le témoin 82 : Ntabo
nabonye.
L’Interprète : Je ne
les ai pas vus.
Le Président : Oui.
Me. VANDERBECK : Une dernière
question, Monsieur le président. Je voudrais savoir, je suppose que la réponse
est négative, mais si le témoin est au courant des accusations qu’a portées
contre elle sœur, enfin l’ex-sœur Marie-Bernard, le témoin 44, dans sa
plainte avec constitution de partie civile, déposée entre les mains du juge
d’instruction VANDERMEERSCH, le 29 juillet 1997 ? Deux accusations précises, la
première étant que sœur Cécile aurait refusé de soigner les personnes qui se
trouvaient au centre de santé, et la seconde étant que sœur Cécile aurait montré
une certaine satisfaction à la fin des massacres en disant : « On
a tué tous les Inkotanyi ». Quelle est sa réaction par rapport à ça ?
Le Président : D’abord, y
avait-il deux sœurs Cécile à Sovu ?
L’Interprète : Hari
ababikira babiri bitwa Cécile i Sovu ?
le témoin 82 : Nijye
mpari wagumanye izina. Hari undi mbere ariko yari yarahinduye izina.
L’Interprète : Il y
en avait une autre mais qui avait changé de nom ; je suis la seule à avoir
gardé ce prénom.
Le Président : Saviez-vous
que vous étiez accusée de ne pas avoir apporté des soins aux réfugiés du centre
de santé ? Que vous vous êtes réjouie de la mort des Tutsi ?
L’Interprète : Waruzi
ko warezwe ko utavuye impunzi zari ziri muri centre de santé kandi wishimiye
urupfu rw’abatutsi ?
le témoin 82 : Ibyo
numvise ko ari rumeur, biramblessa, nibaza umuntu wabivuze naho yabihereye,
ko njye ntabikoze.
L’Interprète : J’ai
entendu ça, j’ai cru que c’étaient des rumeurs, j’avais été blessée et je me
demandais de savoir la personne qui avait propagé cette rumeur parce que moi,
je n’ai pas fait ça.
Le Président : Une autre
question ? Maître WAHIS ?
Me. WAHIS : Une seule question,
Monsieur le président. Est-ce que, en même temps que le témoin, sœur Solange
a également soigné des réfugiés ?
Le Président : Sœur Solange
a-t-elle, comme vous, soigné les réfugiés ?
L’Interprète : Nkawe,
sœur Solange nawe yavuye impunzi ?
le témoin 82 : S’ukuvuga
ko twavuye impunzi zonyine. Bikir’imbere, twavuranaga bose
hamwe n’abaturage.
L’Interprète : Cela
ne veut pas dire qu’on a soigné seulement les réfugiés. Au début, on soignait
tout le monde, même la population,
le témoin 82 : Nuko
nyuma rero bikubise, twese turirukanka, ntihagira uwongera kuhagaruka. Nibwo baza bakabica.
L’Interprète : Et quand
les troubles ont éclaté, nous avons couru et plus personne n’y est retourné,
et c’est à ce moment qu’ils ont été tués.
Le Président : D’autres questions ?
Madame le 12e juré suppléant ?
Le 12e Juré suppléant : Monsieur le président, le
témoin vient de nous dire qu’au centre de santé, le responsable du centre nutritionnel
avait continué à nourrir. Est-ce les réfugiés ou simplement les enfants mal
nourris qui sont normalement dans ce centre nutritionnel ? Merci.
Le Président : Le responsable
du centre nutritionnel a-t-il continué à nourrir les personnes qui venaient
habituellement à ce centre nutritionnel ou bien s’est-il chargé de distribuer
la nourriture aussi aux réfugiés qui se trouvaient là, de manière inhabituelle ?
L’Interprète : Uwarushinzwe
centre nutritionnel, yagaburiye abantu bose bazag’ahongaho cyangwa se n’impunzi
zazag’ahongaho, muri centre nutritionnel ?
le témoin 82 : Namuvuze
kubera ko ariwe waruzi ibikoresho aho biri, yarabaherezaga bakitekera, gutyo.
L’Interprète : J’ai
parlé de lui parce que c’est le seul responsable qui savait où se trouvaient
tous les ustensiles, et il les remettait à ces réfugiés et ils cuisaient eux-mêmes.
le témoin 82 : Ariko
abari bari mu rugo iwacu, bimaze kukobota bose bar’iwacu, maria Kizito niwe
wabagaburiraga.
L’Interprète : Mais
ceux qui se trouvaient au couvent, lorsque la situation s’est aggravée, c’est
sœur Kizito qui leur donnait à manger et,
le témoin 82 : Ariko
n’ababikira bose baratekaga, Kizito akabashyira.
L’Interprète : Toutes
les religieuses faisaient la cuisine, et sœur Kizito allait distribuer la nourriture.
Le Président : Au couvent
même, cela ou bien au centre de santé ?
L’Interprète : Mu kigo
ibyongibyo cyangwa se muri centre de santé ?
le témoin 82 : Njye
ndavuga mu kigo barimo, byakomeye ntawe ukibasha gusohoka, nabo muri centre
bazamutse.
L’Interprète : Je parle
du couvent, de l’intérieur du couvent, au moment où la situation était difficile
et que personne ne pouvait sortir, et à ce moment, ceux qui se trouvaient au
centre de santé étaient montés aussi au couvent.
Le Président : Oui, une autre
question ? Madame le 4e juré suppléant ?
Le 4e Juré suppléant : Merci.
Je voudrais savoir si le témoin sait quelque chose de l’utilisation de l’ambulance
du centre de santé ou du couvent, avant le 22 avril.
Le Président : Savez-vous
quelque chose, Madame, de l’utilisation qui aurait pu être faite de l’ambulance
du couvent, non, l’ambulance du centre de santé, avant le 22 avril ?
L’Interprète : Har’icyo
waba uzi ambulance ya centre de santé yaba yarakoreshejwe mbere y’italiki ya
22 y’ukwezi kwa kane ?
le témoin 82 : Icyo
nzi njye ubwanjye, kuri 17 nimugoroba, haje abantu bose bakomeretse bavirirana,
ambulance narayikoresheje, narayifashe njya guhamagara uwari responsable
L’Interprète : Ce que
je sais, c’est que le 17 avril, il y a eu beaucoup de gens qui sont venus au
centre de santé, des blessés,
le témoin 82 : Deux.
L’Interprète : On parle
maintenant de deux blessés et que ce jour-là, elle a utilisé l’ambulance, en
allant appeler
le témoin 82 : Nabonye
ar’ibintu ntabasha gushobora, birengeje compétences zanjye.
L’Interprète : J’ai
vu que la situation était au-dessus de mes compétences,
le témoin 82 : Njya
guhamagara sœur Jean-Paul wari titulaire.
L’Interprète : Je suis
allée appeler sœur Jean-Paul qui était titulaire,
le témoin 82 : Tuje
rero asanga nawe bikomeye, tubajyana kuri hôpital universitaire y’i Butare.
L’Interprète : Et arrivée,
elle a remarqué également que c’était très grave et nous les avons conduits
à l’hôpital universitaire de Butare.
le témoin 82 : Icyo
gihe ndanabyibuka kuko abaturage barashakuje ngo : « Urimo urajyana
abicanyi », ngo nibiki, ngo : « Twagukubita nawe tukakwica, bakavuga
ko twishe umubikira ».
L’Interprète : Je me
souviens même que les habitants s’étaient révoltés en disant que je rendais
service aux ennemis et qu’ils étaient aussi capables de me tuer, même si j’étais
religieuse.
Le Président : Une autre
question ? Maître VERGAUWEN ?
Me. VERGAUWEN : Une précision,
Monsieur le président, au sujet du centre nutritionnel. Le témoin pourrait-il
nous dire qui était le responsable du centre nutritionnel ?
Le Président : Qui était
responsable, Madame, du centre nutritionnel ?
L’Interprète : Ushobora
kuvuga uwarushinzwe iyo centre nutritionnel ?
le témoin 82 : Ubusanzwe
ntabwo arukuvuga ngo centre nutritionnel ifite responsable tel que uri hejuru.
Uri hejuru aba aruwa centre de santé.
L’Interprète : D’habitude,
on ne peut pas dire que le centre nutritionnel a un responsable particulier,
mais le responsable, c’est celui du centre de santé. C’est ce responsable du
centre du santé,
le témoin 82 : Akagenda
noneho rero adutaburira umuntu service ye akaba ariwe uyibereye responsable.
Icyo gihe rero uwari responsable ni… ninde ra ? Ntabwo nibuka izina neza
buretse riraza.
L’Interprète : Qui dotait
les responsabilités à chacun d’entre nous et à ce moment, celui qui était responsable
du centre nutritionnel, elle ne se souvient plus de son nom. Elle pense pouvoir
s’en souvenir d’ici peu.
le témoin 82 : Ni Madame
Concessa.
L’Interprète : C’est
Madame GOUSSENS.
Le Président : C’était une
religieuse ?
le témoin 82 : Oya ;
L’Interprète : Non.
Le Président : Madame GOOSSENS ?
L’Interprète : GOSSENS
cyangwa Concessa
le témoin 82 : Concessa.
L’Interprète : Concessa,
pas GOUSSENS.
Le Président : Une autre
question ? S’il n’y a plus de questions, les parties sont-elles d’accord
pour que le témoin se retire ? Madame, confirmez-vous les déclarations
que vous avez faites aujourd’hui ? Persistez-vous dans ces déclarations ?
L’Interprète : Urahamya
ibyo wavuze uyu munsi, urabihamya ukomeje ?
le témoin 82 : Ndabihamya.
L’Interprète : Je le
confirme.
Le Président : La Cour vous
remercie pour votre témoignage. Vous pouvez disposer de votre temps, tout en
restant administrativement à la disposition de la Cour jusqu’à votre retour
au Rwanda.
L’Interprète : Urukiko
ruragushimiye, ushobora gukora icyo ushaka ariko ugomba kuguma mu maboko yarwo,
kugeza igihe uzasubirira mu Rwanda.
le témoin 82 : Barakoze.
L’Interprète : Je vous
remercie également.
Le Président : Bien. |