assises rwanda 2001
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Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » Audition témoins compte rendu intégral du procès
Procès > Instruction d’audience C. Mukangango, « sœur Gertrude » et J. Mukabutera, « sœur Kizito » > Audition témoins > le témoin 136
1. le témoin 19 2. M.le témoin 44 3. R. Tremblay 4. le témoin 110 5. le témoin 38 6. le témoin 72 7. le témoin 101 8. le témoin 79 9. le témoin 138 10. le témoin 57 11. le témoin 2 12. le témoin 66 13. le témoin 71 14. le témoin 64 15. le témoin 81 16. le témoin 151 17. le témoin 115 18. le témoin 136 19. le témoin 7 20. le témoin 75 21. le témoin 82 22. le témoin 80 23. le témoin 99 24. le témoin 152 25. le témoin 78 26. Commentaires sur textes rédigés à Maredret 27. le témoin 95 28. le témoin 133 et commentaires de défense 29. le témoin 74 30. le témoin 70 31. le témoin 20 32. le témoin 60 33. le témoin 17 34. le témoin 49 35. le témoin 127 36. le témoin 47 37. le témoin 46 38. le témoin 147 39. le témoin 51 40. A. JANSSENS 41. le témoin 48 42. le témoin 145 43. G. Dupuis
 

8.6.18. Audition des témoins: le témoin 136

Le Président : Madame, quel est votre nom et quel est votre prénom ?

le témoin 136 : Je suis le témoin 136.

Le Président : Je vais vous demander de parler bien dans le micro.

le témoin 136 : Pardon, pardon, je m’appelle le témoin 136.

Le Président : Quel âge avez-vous ?

le témoin 136 : 65.

Le Président : Quelle est votre profession ?

le témoin 136 : Secrétaire ou infirmière ou catéchiste.

Le Président : Quelle est votre commune de résidence ?

le témoin 136 : Pour le moment, je viens d’Allemagne, de Düsseldorf, mais en dix jours je retourne au Rwanda, à Butare.

Le Président : C’est ça. Connaissiez-vous les accusés ou une partie des accusés avant le mois d’avril 1994.

le témoin 136 : Oui, je connaissais sœur Gertrude.

Le Président : Uniquement sœur Gertrude ?

le témoin 136 : Oui.

Le Président : Pas sœur Kizito ?

le témoin 136 : Non.

Le Président : Etes-vous de la famille des accusés ?

le témoin 136 : Non.

Le Président : Ou des parties civiles, c’est-à-dire des personnes qui réclament des dommages et intérêts aux accusés ?

le témoin 136 : Non.

Le Président : Vous ne travaillez pas sous les liens d’un contrat de travail pour les accusés ou les parties civiles ?

le témoin 136 : Non.

Le Président : Je vais vous demander, Madame, de bien vouloir lever la main droite et de prononcer le serment de témoin.

le témoin 136 : Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.

Le Président : Je vous remercie Madame, vous pouvez vous asseoir.

Vous étiez, Madame, au Rwanda lors des tragiques événements qui ont débutés le 6 avril 1994, lorsque l’avion du président le témoin 32 a été abattu ?

le témoin 136 : Oui.

Le Président : Vous êtes actuellement en Allemagne. Avez-vous à un moment quitté le Rwanda ? Oui, puisque vous êtes en Allemagne, mais si vous avez quitté le Rwanda, à quelle époque l’avez-vous quitté ?

le témoin 136 : Pour venir en congé en Allemagne tous les deux ou trois ans, et puis je suis revenue pour une année, en mars 2000.

Le Président : Donc, au moment des événements d’avril, mai, juin 1994, vous n’avez pas quitté le Rwanda ?

le témoin 136 : Non, non.

Le Président : Vous travailliez où plus particulièrement ?

le témoin 136 : A ce moment-là...

Le Président : En avril 94, oui…

le témoin 136 : J’étais économe adjointe du diocèse de Butare.

Le Président : Alors, on vous a entendue dans ce dossier à propos d’un bourgmestre, Monsieur Joseph KANYABASHI. Vous vous souvenez de ça ?

le témoin 136 : Oui, oui.

Le Président : Par contre, on ne vous a jamais entendue à propos de sœur Gertrude ou de sœur Kizito ou des liens qu’il pouvait y avoir avec Sovu.

le témoin 136 : Oui, j’aurais pu faire peut-être faire une déclaration mais je n’y ai pas pensé. KANYABASHI, c’était notre voisin immédiat. Sœur Gertrude, c’était à 6 km de chez nous. J’ai eu un seul contact, pendant le mois de mai probablement, ou fin mai début juin, avec elle. J’étais venue un jour la voir étant donné que le témoin 110, qui leur fournissait de la nourriture, est venu un jour me dire :  « Il y a des problèmes à Sovu : les sœurs ont dû renvoyer leur personnel et ça a créé des mauvais esprits étant donné que, sur les collines, parmi le personnel renvoyé, on dit maintenant : voilà nous sommes renvoyés parce qu’ils ont des Tutsi qui ont pris notre travail ». Mais elles n’avaient plus d’argent, c’est ça que Laurien m’a dit - Laurien NTEZIMAMA - elles n’avaient plus d’argent parce que l’hôtellerie ne marchait plus, et sans doute la fabrication des hosties ne marchait plus non plus.

Donc, ça se comprenait qu’elles pouvaient manquer d’argent, et puisque j’étais économe adjointe et que l’économe général était lui-même caché - pas caché, mais parti de la circulation n’est-ce pas, il était à l’évêché sans pouvoir bouger - c’est moi qui m’ai déplacé pour amener de l’argent chez sœur Gertrude, à Sovu. Mais c’est sœur Gertrude qui est venue m’ouvrir la porte. Alors, bon, je lui ai remis l’argent en disant : « Voilà, c’est… je l’ai débité sur votre compte c’est votre argent », et je lui ai demandé à ce moment-là : « Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ? » Et elle m’a répondu : « Oui, aidez-nous à partir d’ici ».

Mais je lui ai dit : « Ma sœur, il y a des barrières sur la route : comment partir d’ici ? ». Alors, elle m’a dit : « Mais aidez au moins sœur Véronique et le témoin 2 qui est martiniquaise et qui avait un passeport français pour pouvoir partir ». Et c’est ça que j’ai fait avec l’aide d’une doctoresse allemande et avec un organisme, mais ça, je ne saurais pas dire lequel, qui les ont pris entre leurs voitures et qui les ont amenés par la frontière pour le Burundi.

Le Président : C’est le seul contact que vous avez eu avec sœur Gertrude à l’époque ?

le témoin 136 : Oui, je ne me souviens pas d’autre. Je pense pas que j’ai été une autre fois à Sovu.

Le Président : Y a-t-il des questions à poser au témoin ? Monsieur l’avocat général souhaiterait… ?

L’Avocat Général : Lorsque vous avez vu sœur Gertrude au mois de mai, le seul problème dont on a discuté c’était donc le fait que le personnel ait été renvoyé, qu’il n’y avait plus d’argent, que la fabrique d’hosties ne marchait plus et que sœur Gertrude vous a demandé de les aider à partir. Mais est-ce quelle vous a parlé de ce qui s’était passé au couvent ?

le témoin 136 : Non, c’est pas exactement comme ça, pardon. Je savais par avant qu’elle avait un problème d’argent donc elle ne m’a pas communiqué son problème d’argent : je l’ai su par Laurien mais j’ai essayé de me déplacer pour des communautés qui étaient en difficultés parce qu’il n’y avait plus beaucoup des européennes qui étaient là, des personnes qui pouvaient faire quelque chose. C’est Laurien qui a beaucoup voyagé, et moi j’ai essayé d’aider des communautés qui étaient en difficulté, qui ne pouvaient plus se déplacer notamment. Et donc, j’avais beaucoup à faire j’étais pas seulement concernée par Sovu, mais ça, je le savais d’avance. Nous n’avons parlé : je n’avais pas beaucoup de temps. A six heures il fallait de nouveau être de retour, donc quand j’étais quelque part, c'était jamais des grandes visites et des longues conversations.

L’Avocat Général : Mais bon, est-ce que sœur Gertrude vous a parlé des massacres qui avaient eu lieu le 22, le 25 et le 6 mai ?

le témoin 136 : Je ne me souviens pas de cela.

L’Avocat Général : Est-ce que vous avez vu le centre de santé ?

le témoin 136 : Ah oui, bien sûr. En arrivant, j’ai vu le centre de santé. Et je ne sais pas situer exactement, mais il me semble il n’y avait plus de personnes chez elles. Il me semble, parce que si on dit… j’ai appris dans la presse que les massacres ont eu lieu, les dernières, le 5 mai. Moi j’ai commencé à circuler seulement à partir du 1er mai. Je n’ai plus circulé dans Butare pendant les jours les plus terribles du génocide à Butare : j’ai commencé à circuler à partir du 1er mai.

L’Avocat Général : Sœur Gertrude ne vous a pas dit que le centre de santé avait été incendié ?

le témoin 136 : Mais sans doute qu’on a parlé de tout ça, mais aujourd’hui, je ne peux pas me rappeler de tout ça. Vous voyez, j’ai eu tant de rencontres et tant de visites que je ne peux pas me rappeler du contenu d’une conversation que j’aurais eu avec une, une parmi toutes ces personnes visitées. Sans doute que nous en avons parlé, mais je n’étais pas allée longtemps, je n’étais même pas assise. Je suis entrée dans ce couvent, je lui ai donné ça, je lui ai demandé : « Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? », et ce qui m’est resté, c’est ça qui m’a particulièrement frappée parce qu’elle m’a dit : « Aidez-nous à partir d’ici », et j’ai dit : « Mais ma sœur, vous savez comment est la situation, il y a des barrières, vous ne sortirez… pour aller où ? On vous prendra à la première barrière ». Alors, c’est comme ça qu’elle a demandé d’aider sœur Véronique, ce que nous avons pu faire pour elle.

Le Président : Une autre question ? Pas d’autres questions. Les parties sont-elles d’accord pour que le témoin se retire ? Madame, confirmez-vous les déclarations que vous venez de faire, persistez-vous dans ces déclarations ?

le témoin 136 : Oui.

Le Président : Madame, la Cour vous remercie pour votre témoignage, pour votre patience dont vous avez fait preuve pour ces quelques minutes passées ici à l’audience, et nous vous souhaitons un bon retour.

le témoin 136 : Merci.