8.6.15. Audition des témoins: le témoin 81
Le Président : L’audience
est reprise. Vous pouvez vous asseoir et les accusés peuvent prendre place.
Monsieur l’huissier, vous pouvez faire approcher le témoin suivant, le témoin 81
Marie-Josepha. Voulez-vous bien, Monsieur l’interprète, demander au témoin quels
sont ses nom et prénom ?
L’Interprète : Wavuga
amazina yawe yombi ?
le témoin 81 : Nitwa
le témoin 81.
L’Interprète : le témoin 81.
Le Président : Quel est son
âge ?
L’Interprète : Ufite imyaka ingahe ?
le témoin 81 :
46.
L’Interprète : 46 ans.
Le Président : Quelle est
sa profession ?
L’Interprète : Umwuga
wawe ?
le témoin 81 :
Umuhinzi.
L’Interprète : Cultivatrice.
Le Président : Quelle est
sa commune de domicile ?
L’Interprète : Komine utuyemo ?
le témoin 81 : Ni
Huye.
L’Interprète : Huye.
Le Président : Connaissait-elle
les accusés ou certains des accusés avant le mois d’avril 1994 ?
L’Interprète : Mbere y’ukwezi
kwa kane kwa 94, hari uwo waruzi mu baregwa cyangwa se abaregwa bose warubazi ?
le témoin 81 : Narimbazi.
L’Interprète : Je les connaissais.
Le Président : Qui connaissait-elle ?
L’Interprète : Waruzi nde muri
bo ?
le témoin 81 : Ni
Gertruda.
L’Interprète : Je connaissais
Gertrude.
Le Président : Kizito aussi ?
L’Interprète : Na
Kizito ?
le témoin 81 :
Na Kizito narimuzi.
L’Interprète : Kizito aussi, je
la connaissais.
Le Président : Est-elle de
la famille des accusés ou de ceux qui réclament des dommages et intérêts aux
accusés ?
L’Interprète : Ufitanye isano
mu muryango n’abaregwa cyangwa se abaregera indishyi ?
le témoin 81 : Njyewe
abo dufitanye isano n’abaregera indishyi.
L’Interprète : J’ai une relation
de parenté avec ceux qui réclament les dommages et intérêts.
Le Président : Est-ce qu’elle
travaille comme employée pour les accusés ou pour ceux qui demandent des dommages
et intérêts ?
L’Interprète : Waba ufite akazi
uhemberwa, ukoreshwa n’abaregwa cyangwa se abaregera indishyi ?
le témoin 81 : Akazi
nkoreshwa ?
L’Interprète : Akazi ukoreshwa,
baguhembera.
le témoin 81 : Nta
kazi mbafitemo.
L’Interprète : Non.
Le Président : Voulez-vous
bien l’inviter à lever la main droite et à prêter le serment de témoin ?
L’Interprète : Zamura ukuboko
kw’iburyo, noneho ujye uvuga indahiro y’abatanga ubuhamya, uzajya usubiramo
icyo mvuze : « Ndahiriye kuvuga ukuri gusa,
le témoin 81 : Ndahiriye
kuvuga ukuri gusa,
L’Interprète : Nta rwango,
le témoin 81 : Nta
rwango,
L’Interprète : Nta mususu ».
le témoin 81 : Nta
mususu.
L’Interprète : Je jure de parler
sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité.
Le Président : Prenez place
à côté du témoin, Monsieur l’interprète. Madame, comment s’appelait votre mari ?
L’Interprète : Umugabo wawe yitwaga
nde ?
le témoin 81 : Yitwaga
Yozefu RUBAYIZA.
L’Interprète : Joseph RUBAYIZA.
Le Président : Son père était
bien GAPYISI Vianney ?
L’Interprète : Naho so ukubyara ?
le témoin 81 : Yari
Vianney GAPYISI.
L’Interprète : Oui, Vianney GAPYISI.
Le Président : Madame, au
mois d’avril 1994, vous êtes-vous réfugiée au couvent de Sovu ?
L’Interprète : Mu kwezi kwa kane
kwa 94 wahungiye mu kigo cy’ababikira cy’i Sovu ?
le témoin 81 : Nagihungiyemo.
L’Interprète : Oui, je m’y suis
réfugiée.
Le Président : Vous y êtes-vous
réfugiée avec des membres de votre famille ?
L’Interprète : Abo wajyanyemo
nabo mu muryango wawe ?
le témoin 81 : Bose
niho bari bari.
L’Interprète : Oui, tout le monde
était là.
Le Président : Combien de
membres de votre famille ont-ils été tués à Sovu ?
L’Interprète : Abantu bo mu muryango
wawe biciwe i Sovu ni bangahe ?
le témoin 81 : Ni
abantu barindwi.
L’Interprète : Sept personnes.
Le Président : Parmi ces
personnes, y avait-il des enfants ? Vos enfants étaient-ils parmi ces sept
personnes ?
L’Interprète : Abana bawe bari
muri abo bantu barindwi ?
le témoin 81 : Barimo
abana banjye batanu n’umugabo wanjye wa gatandatu.
L’Interprète : Oui, mes enfants
étaient au nombre de cinq, puis le sixième, c’était mon mari.
Le Président : Et le septième
alors, membre de sa famille, c’était ?
le témoin 81 : Na
mabukwe wa karindwi.
L’Interprète : La septième personne
c’était ma belle-mère.
Le Président : Se souvient-elle,
vous souvenez-vous de la date à laquelle vous vous êtes réfugiée au couvent ?
L’Interprète : Waba wibuka itariki
wahungiriyeho mu kigo cy’ababikira ?
le témoin 81 : Hari
kuri 18.
L’Interprète : C’était le 18.
Le Président : Pourquoi vous
étiez-vous réfugiée avec votre famille au couvent, le 18 avril ?
L’Interprète : Kuki wowe n’umuryango
wawe ku itariki 18, mwahungiye mu kigo cy’ababikira ?
le témoin 81 : Twahungaga
ubwicanyi bavugaga buturuka ku Gikongoro.
L’Interprète : Nous fuyions les
massacres qu’on disait provenir de Gikongoro.
Le Président : Pouvez-vous
expliquer ce qui s’est passé pendant la journée du 18 et dans la soirée du 18
avril, à Sovu ?
L’Interprète : Wasobanura ibyabaye
ku mugoroba w’itariki 18 z’ukwa kane i Sovu ?
le témoin 81 : Nabisobanura
bitewe n’uko nari mpari.
L’Interprète : Je peux l’expliquer
puisque j’étais là.
Le Président : Je vous prie
de bien vouloir expliquer ce qui s’est passé le 18.
L’Interprète : Urasabwa gusobanura
ibyabaye kuri 18.
le témoin 81 : Icyabaye
kuri 18,
L’Interprète : Ce qui s’est passé
le 18,
le témoin 81 : Twe
twari turi kumwe n’abaturage bose tufatanije, bavuze ko hari ibitero biturutse
ku Gikongoro,
L’Interprète : Nous étions avec
l’ensemble de la population alors qu’on disait qu’il s’agissait des attaques
provenant de Gikongoro.
le témoin 81 : Hanyuma
ubwo muri izo 18 nyine haje kuza hazamuka imodoka ya bourgmestre RUREMESHA.
L’Interprète : Alors, est monté
à cette date, lundi 18, le véhicule du bourgmestre RUREMESHA.
le témoin 81 : Hanyuma
ubwo adusanga mu gacentre ka Sovu,
L’Interprète : Il nous a rencontrés
au centre de négoce de Sovu,
le témoin 81 : Bita
kuri douane.
L’Interprète : Là où on appelle
douane.
le témoin 81 : Ubwo
yari afite ikarito ya grenade mu modoka,
L’Interprète : Il avait dans sa
voiture un carton de grenades.
le témoin 81 : Abaturage
bari bishyize hamwe nyine barwanya ibyo bitero.
L’Interprète : Toute la population
s’était liguée contre ces attaques.
le témoin 81 : Noneho
muri iyo karito yaje kuvanamo grenade imwe,
L’Interprète : Alors, il est allé
chercher dans son carton, une grenade,
le témoin 81 : Ayiha
umusore KAMANAYO wari umusirikare,
L’Interprète : Qu’il a donnée
à un jeune homme du nom de KAMANAYO et qui avait été militaire.
le témoin 81 : Ubwo
uwo musore yaje kuyitera umusore RANGIRA,
L’Interprète : Ce jeune homme
l’a lancée à un autre jeune homme du nom de RANGIRA.
le témoin 81 : Ifata
n’undi muntu MATABARO,
L’Interprète : Fut atteint également,
un autre homme du nom de MATABARO.
le témoin 81 : Hanyuma
ubwo baje kugirango bose bombi babyuke,
L’Interprète : Alors, les deux
ont essayé de se relever,
le témoin 81 : Ngo
bajye kwegura MATABARO, basongwa na RANGIRA.
L’Interprète : Hm ?
le témoin 81 : Baje
kwegura uwo mugabo MATABARO, w’umuhutu.
L’Interprète : Et ils sont venus
soulever MATABARO qui était Hutu,
le témoin 81 : Noneho
baza gusonga RANGIRA rero uwo nguwo.
L’Interprète : Et ils ont achevé
RANGIRA.
le témoin 81 : Ubwo
niho twese uko twari duhari, niho twaje kumenya ko abarwana bakeneye abatutsi,
L’Interprète : Alors, c’est à
ce moment-là que nous tous qui étions rassemblés là-bas, avons constaté qu’ils
faisaiennt un tri, qu’ils voulaient les Tutsi.
le témoin 81 : Nibwo
twahise tumanuka, tujya mu babikira i Sovu.
L’Interprète : Alors, nous sommes
descendus, nous nous sommes rendus au couvent des sœurs, à Sovu.
le témoin 81 : Ubwo
tukimara kuhagera,
L’Interprète : Dès notre arrivée,
le témoin 81 : Uwo
munsi wo kuri 18,
L’Interprète : Ce jour-là du 18,
Marie-Josepha le témoin 81 : Abamasoeur
abo ngabo, bashoboye kutubwira, hari abagabo benshi bavuga ko bari mu mahugurwa
nabo,
L’Interprète : Ces sœurs nous
ont dit alors qu’il y avait plusieurs hommes qu’on disait qu’ils étaient en
session là-bas.
Marie-Josepha le témoin 81 : Ngo
aho turi turabatera akaduruvayo n’umwanda,
L’Interprète : Ils ont dit que
là où nous étions, nous étions en train de semer désordre et saletés.
le témoin 81 : Ngo
nitumanuke tujye kuri centre de santé,
L’Interprète : Qu’il fallait que
nous descendions jusqu’au centre de santé.
le témoin 81 : Ariko
ntabwo twashoboye kubyemera, ntabwo twashoboye kujyayo koko.
L’Interprète : Mais nous n’avons
pas accepté, nous ne nous y sommes pas rendus.
le témoin 81 : We
yaje gufata imodoka yo muri abo bagabo bari mu bahugurwa,
L’Interprète : Inde ?
le témoin 81 : Gertruda,
L’Interprète : Alors, Gertrude
a pris la voiture et avec un des hommes qui étaient dans cette session,
le témoin 81 :
Bajya i Butare,
L’Interprète : Ils se sont rendus
à Butare,
le témoin 81 : Ajyanye
n’umugabo umwe wari muri abo mu mahugurwa.
L’Interprète : Elle s’est rendue
à Butare en compagnie d’un des hommes qui étaient en session.
le témoin 81 : Azana
n’abasirikare,
L’Interprète : Elle est revenue
avec les militaires.
le témoin 81 : Amaze
kuzana abasirikare aratubwira ngo : « Ufite utuntu twe, natumanure
atujyane aho kuri centre de santé ».
L’Interprète : Elle est revenue
avec les militaires qui nous ont dit que quiconque avait ses effets, les prenne
et les amène au centre de santé.
le témoin 81 : Ubwo
abari babifite barabimanuye,
L’Interprète : Ceux qui avaient
les effets, les ont descendus,
le témoin 81 : Ubwo
abasirikare baratubwiye ngo nitwongere tuzamuke badukoreshe inama,
L’Interprète : Et les militaires
nous avaient dit de monter encore pour une réunion.
le témoin 81 :
Ubwo twarazamutse, tugeze imbere ya kiriziya y’ababikira,
L’Interprète : Nous sommes revenus
une fois devant l’église des sœurs.
le témoin 81 : Ubwo
abasirikare baratubwiye ngo nitugende, dusubire hepfo,
L’Interprète : Les militaires
nous ont dit de redescendre,
le témoin 81 : Ngo
badukorere ibarura,
L’Interprète : Qu’on nous recense,
le témoin 81 : Bazajye
badufashirizaho.
L’Interprète : Pour qu’on puisse
nous aider, nous donner assistance sur base de ça.
le témoin 81 : Ubwo
Gertruda yaje kuzana izo mpapuro nyine,
L’Interprète : Gertrude alors
est revenue avec ces papiers.
Marie-Josepha UKARWEGO : Aziha
umugabo, umuhungu wa SEBUHINYORI ariko ndamwibagiwe ariko…
L’Interprète : Elle les a donnés
à un homme, un fils de SEBUHINYORI dont j’oublie le nom.
Le Président : KAZIDO, KALIDO ?
L’Interprète : Yaba ari KARIDO,
le témoin 81 : Yee,
ni KARIDO.
L’Interprète : Oui, KARIDO.
le témoin 81 : Ubwo
noneho baza kutubarura,
L’Interprète : On nous a alors
recensés
le témoin 81 : Baza
kubonamo abantu 3.500.
L’Interprète : Et on est parvenu
au nombre de 3.500 personnes.
le témoin 81 : Ubwo
Mameya yaravuze ngo ntitugende tube tugumye hamwe, ngo aduhe imfashanyo, adufashirize
aho turi.
L’Interprète : La mère supérieure
nous a dit alors de retourner, qu’elle allait nous donner assistance, qu’elle
allait nous apporter assistance, là même où nous étions.
le témoin 81 : Ubwo
nta mfashanyo twashoboye kubona, nta kintu na kimwe kigeze kitugeraho.
L’Interprète : Nous n’avons pas
pu recevoir assistance et rien ne nous est arrivé.
le témoin 81 : Nyuma
yo kuri 19,
L’Interprète : Après le 19,
Marie-Josepha le témoin 81 : Haje
gutera naho grenade ariko sinashoboye kumenya uwayiteye uwariwe,
L’Interprète : Une autre grenade
a été lancée mais je n’ai pas pu savoir celui qui l’avait lancée.
le témoin 81 : Iza
gukomeretsa umukecuru Paskaziya NYIRAMIRIMO,
L’Interprète : La grenade a blessé
une vieille du nom de Pascasie NYIRAMIRIMO.
Marie-Josepha le témoin 81 : Ubwo
umuporisi Saveri wari uhari yaratubwiye ngo nitwihangane ngo araturariye nta
kindi tuba,
L’Interprète : Un policier du
nom de Xavier, qui était là, nous a dit de supporter, d’avoir le courage qu
il est là pour nous garder, que rien n’allait nous arriver.
le témoin 81 : Ubwo
bwarakeye,
L’Interprète : Alors, le lendemain,
le témoin 81 : Kuri
21,
L’Interprète : Le 21,
le témoin 81 :
Ubwo twumva imbunda bariho bararasa ahantu kuri monastère y’i Gihindamuyaga,
L’Interprète : Nous avons entendu
des tirs au monastère de Gihindamuyaga,
le témoin 81 : Umuporisi
agashaka kuduhumuriza,
L’Interprète : Ce policier-là,
continuait à nous supporter… à nous…
Le Président : A les défendre,
à les protéger ?
L’Interprète : A nous encourager,
Le Président : A les encourager.
L’Interprète : Oui, à nous encourager
de garder courage.
le témoin 81 : Ubwo
kuri 22,
L’Interprète : Le 22,
le témoin 81 : Ubwo
haza kumanuka ibitero bimanutse Sovu hejuru,
L’Interprète : Sont descendues
des attaques qui venaient d’en haut, du sommet de la colline de Sovu.
Marie-Josepha le témoin 81 : Bakoreshaga
inzogera, ingoma n’amafirimbi.
L’Interprète : Ils utilisaient
les tambours et les sifflets.
le témoin 81 : Icyo
nshobora kuvuga, hari mu gitondo, ntarabona ibintu bibi byinshi,
L’Interprète : Ce que je me rappelle,
puisque c’était le matin, je n’avais pas encore vu les choses horribles.
le témoin 81 : Ubwo
hari nka saa mbiri za mugitondo.
L’Interprète : C’était plus ou
moins 8h00, le matin.
le témoin 81 : Ubwo
bamwe barashoboye ku…, Maraba mbega yari tayeranye, na Mbazi,
L’Interprète : S’était réunie
la population, les gens de Maraba, Mbazi,
le témoin 81 :
Ubwo baragotera ikigo.
L’Interprète : Ils ont encerclé
le monastère.
le témoin 81 : Ubwo
nta kindi twashoboye gukora, ubwo baratangiye ubwicanyi…
[Interruption d’enregistrement]
L’Interprète : Waba wibuka amabara
y’amabido ababikira bari bafite ?
le témoin 81 : Umva,
mu byukuri ubwo urumva ndakubwira ko abanjye bari babacagaguye bose mbareba,
mbareba by’amaso ku yandi,
L’Interprète : En réalité, je
vous dis que, de mes yeux, j’avais assisté au découpage des miens.
le témoin 81 :
Njye nabonaga ko ari ubujerikani bwa litiro 5,
L’Interprète : Ce que je voyais,
c’est que c’étaient des jerricanes de 5 litres.
le témoin 81 :
Ubwo nabirukagaho ngirango ndebe ko baca inkoni izamba nzi ko ari bamasoeurs
ko bashobora no kuba bandekurira umwana wanjye akavamo,
L’Interprète : Je courais derrière
elles croyant que comme c’étaient des sœurs, elles allaient relâcher mon fils,
qu’il sorte de là-bas.
le témoin 81 : Uzi
k’ubwo nanjye nari nataye umutwe, ibyo nashoboraga kubona nabo bamasoeurs ni
ibyo.
L’Interprète : En réalité, moi-même,
j’avais perdu la tête, ce que j’ai vu de ces sœurs-là, c’est ça.
Le Président : Il vous est
resté encore un enfant ou deux enfants ?
L’Interprète : Ni umwana umwe
wabashije gusigarana cyangwa ni babiri ?
le témoin 81 : Nta
numwe nashoboye gusigarana mu bana batanu niko nababwiye.
L’Interprète : Aucun survivant
parmi les cinq enfants, comme je vous ai dit.
Le Président : Aucun.
le témoin 81 : Ubu
ndi uku konyine, uko ndi uko.
L’Interprète : Je suis toute seule,
comme vous me voyez maintenant.
Le Président : C’est parce
que, dans certaines déclarations, il est question de ce que vous aviez sept
enfants.
L’Interprète : Ni uko mubyo wavuze,
hamwe na hamwe hari aho wagiye uvuga ko ufite abana barindwi.
le témoin 81 : Nababwiye
imiryango irindwi nari nahunganye, nari nahungishije, twahunganye ku kigo.
L’Interprète : Je vous ai parlé
de sept familles qui s’étaient réfugiées avec moi, au couvent.
Le Président : Donc, quand
elle avait parlé de sept enfants, il y en a deux qui n’étaient pas les siens ?
L’Interprète : Ubwo wavugaga abana
barindwi uvuga ko babiri batari abawe bwite ?
le témoin 81 : Oya
nababwiye imiryango irindwi, imiryango yanjye yari irindwi.
L’Interprète : Non, je vous ai
dit que ma famille était au nombre de sept.
le témoin 81 : Abana
banjye bari batanu,
L’Interprète : Que mes enfants
étaient au nombre de cinq,
le témoin 81 : N’umugabo
wanjye wa gatandatu,
L’Interprète : Et que mon mari
était le sixième,
le témoin 81 : Na
mabukwe wa karindwi.
Le Président : Et la belle-mère,
la se…
L’Interprète : Que ma belle-mère
était septième.
Le Président : Avez-vous
été blessée, vous-même,
L’Interprète : Wowe ubwawe hari
ubwo wakomeretse ?
Le Président : Pendant ces
événements du 22 avril ?
le témoin 81 : Aho
nakomeretse [Inaudible] ni mu mutima.
L’Interprète : Là où j’ai été
blessée, c’est dans mon cœur.
Le Président : Si j’ai bien
compris, un de vos enfants était dans le garage ?
L’Interprète : Niba yabyumvishe
neza umwe mu bana bawe yari mu igaraji ?
Marie-Josepha le témoin 81 : Uwi
imfura ndetse, ariwe MPAWENIMANA ;
L’Interprète : L’aîné, du nom
de MPAWENIMANA.
Le Président : Bien. Y a-t-il
des questions à poser au témoin ? Oui ?
Me. VERGAUWEN : Je vous
remercie, Monsieur le président. Rassurez-vous, je ne vais pas revenir avec
ses déclarations antérieures. Pourriez-vous avoir l’amabilité de demander au
témoin si elle se souvient d’avoir vu le témoin 151 lors de l’attaque
du 22 avril ?
Le Président : Madame, lors
de l’attaque du 22 avril, vous avez parlé notamment de REKERAHO. Est-ce qu’il
y avait, parmi les attaquants et même parmi les chefs des attaquants, un certain
le témoin 151 ?
L’Interprète : Wavuze ba REKERAHO,
muri icyo gitero cyo kuri 22 z’ukwa kane, waba warabonye mu bateraga ndetse
no mu bayobozi b’icyo gitero uwitwa Yohani-Baptista le témoin 151 ?
le témoin 81 : Umva,
ndumva ahari isoko n’amaduka bari benshi, amakomine yose,
L’Interprète : Il y avait vraiment
une multitude, il y avait toutes les communes,
le témoin 81 : Komine
Huye,
L’Interprète : La commune de Huye,
le témoin 81 : Komine
Maraba,
L’Interprète : La commune de Maraba,
le témoin 81 : Komine
Mbazi,
L’Interprète : La commune de Mbazi,
le témoin 81 : Bose
bari bateye aho ngaho kuri centre.
L’Interprète : Tout le monde avait
attaqué là-bas, au centre.
le témoin 81 : Ntabwo
rero abantu bose bari bahari naba narashoboye kubashishoza ngo menye abo aribo.
L’Interprète : Je n’ai pas pu
identifier attentivement toutes les personnes qui étaient là-bas.
le témoin 81 : Yenda
abandi baba baramubonye, njyewe sinashoboye kumubona ?
L’Interprète : Peut-être que d’autres
l’ont vu, mais moi, je ne l’ai pas vu.
le témoin 81 : Cyakora
nyuma yuko bava mu musozi kuko ariho bamubitse, yatabazaga nanjye ndaho i Sovu,
atabaza ngo bajye kubahamba,
L’Interprète : Mais quand lui
appelait qu’on vienne enterrer, j’étais là-bas, moi-même, là-bas, à Sovu,
le témoin 81 : Yaratabaza
REKERAHO uwo nguwo ngo nibatabare umusozi.
L’Interprète : Et il
appelait REKERAHO qu’il vienne participer à l’enterrement de la colline.
le témoin 81 : Ibyo
kubahambisha nibyo nashoboye kubona kuko nanjye nagendaga.
L’Interprète : Les faits concernant
leur enterrement, c’est ça que j’ai vu puisque moi-même, je circulais.
Le Président : Donc, vous
avez bien vu que, au moment où on a enterré les corps à Sovu, Jean-Baptiste
le témoin 151 était présent ?
L’Interprète : Ni ukuvuga ko ubwawe
wabonye ko mu gihe bahambaga imirambo i Sovu, Yohani-Baptista le témoin 151 yari ahari ?
le témoin 81 : Yari
ahari.
L’Interprète : Il était là.
Le Président : Cela se passait
le lendemain de l’attaque ?
L’Interprète : Ibyo byabaye bukeye
icyo gitero kiraye kibaye ?
le témoin 81 : Ndumva
barishe hari kuri 22,
L’Interprète : Si mes souvenirs
sont bons, on les a tués le 22,
le témoin 81 : Niba
barahambye ari kuri 24 ku cyumweru…
L’Interprète : Et je pense qu’on
les a enterrés le 24, c’était dimanche.
Le Président : Une autre
question ? Maître WAHIS ?
Me. WAHIS : Oui, Monsieur
le président. Elle nous a parlé de KABILIGI mais pas en termes très précis.
Elle a déclaré ceci, dans sa déclaration à African Rights, en parlant de sœur
Gertrude : « Elle a donné l’essence à un Interahamwe
de sa famille, nommé NIYONSENGA. Ce dernier l’a versée sur KABILIGI. KABILIGI
a couru en brûlant ». Est-ce qu’elle peut confirmer cette version ?
Le Président : La mort de
KABILIGI, c’est bien en brûlant qu’il est mort ?
L’Interprète : Ibyerekeye urupfu
rwa KABILIGI, yapfuye agurumana ?
le témoin 81 : Yapfuye
agurumana kuko yamanutse muri iryo shyamba ariho ashya,
L’Interprète : Oui, de toutes
les façons, il est mort en brûlant puisqu’il descendait à travers le bois en
flammes,
le témoin 81 : Kuko
ubwo inyuma yabo hajyaga ba masoeur bamanukanye ubwo bujerikani bwabo bwa lisansi,
L’Interprète : Et puis, par après
sont descendues les sœurs qui portaient les jerricanes d’essence,
le témoin 81 : Kandi
yanakoraga mu kigo cyabo ni naho yaravuye.
L’Interprète : Alors qu’il travaillait
dans leur établissement et il venait de là-bas.
Le Président : KABILIGI donc
venait du couvent ?
L’Interprète : Ni ukuvuga ko KABILIGI
yaravuye mu kigo cy’ababikira ?
le témoin 81 : Hm,
niho yaraturutse.
L’Interprète : Oui, il venait
de là-bas.
Le Président : Une autre
question, Maître WAHIS ?
Me. WAHIS : Oui, Monsieur
le président. Toujours dans la version African Rights, elle parle du 23, donc,
le lendemain des massacres : « Quand je me réveille
le jour suivant », elle dit « Quand j’arrivais,
sœur Kizito, encore avec des jerricanes de pétrole, était là avec les criminels
qui vérifiaient si tous les corps étaient réellement morts. Sœur Kizito distribuait
encore du pétrole. Près d’elle se trouvaient REKERAHO et BYOMBOKA». Donc,
est-ce que le 23, elle confirme qu’elle a vu également sur place, sœur Kizito
distribuer des bidons de pétrole à REKERAHO et ses complices ?
Le Président : On a parlé
du 22, le jour des massacres, le jour de l’incendie du garage, le lendemain,
le 23,
L’Interprète : Bavuze kuri 22,
umunsi w’ubwicanyi n’umunsi igaraji ritwikwa, bukeye bwaho, kuri 23,
Le Président : Le samedi,
avez-vous vu Kizito avec des bidons d’essence encore, ou des bidons de pétrole ?
L’Interprète : Wongeye kubona
Kizito afite amabido ya lisansi cyangwa ya petroli ?
le témoin 81 : Nyuma
y’itariki 20…, kuri 23 ntabwo nashoboye kugaruka kuko nacyo nasubiragayo gukora.
L’Interprète : Le 23, je n’ai
pas pu y revenir puisque je n’avais rien à faire là-bas, je n’avais rien d’autre
à faire là-bas.
Le Président : Est-ce qu’éventuellement,
le 22, en fin de journée, vous auriez encore vu Kizito qui marchait parmi les
cadavres ?
L’Interprète : Waba se kuri uwo
munsi 22, nko ku mugoroba warongeye kubona KIZITO aza agenda atambagira mu mirambo ?
le témoin 81 : Biragoye
ko, mwebwe se ko nkubwira ko nabonaga ku manwa byose, nkayoberwa ko bwije cyangwa
bwakeye,
L’Interprète : A part que je voyais
tout ça la journée, j’ignorais s’il faisait jour ou alors, que le jour se levait.
le témoin 81 : Nyuma
bamaze gucagagura abana banjye mbibona,
L’Interprète : En tout cas, c’était
la journée à laquelle le jour se levait,
le témoin 81 : Undi
bakamumenaho lisensi,
L’Interprète : Après qu’on ait
découpé, sous mes yeux, mes enfants et qu’on a versé de l’essence sur un autre.
le témoin 81 : Ubwo
bwahise bwira nanjye nsigara nsabayangwa ku musozi.
L’Interprète : J’ai perdu l’intelligence
et je courais comme folle, à travers la colline.
Le Président : Une autre
question ?
Me. WAHIS : Une toute petite
question, plus particulièrement destinée à Monsieur l’avocat général. Est-ce
que le témoin pourrait nous donner le nom de son père ?
Le Président : On l’a dit,
elle l’a donné, aussi un moment de distraction.
Me. WAHIS : Sans doute.
Le Président : GAPYISI…
Me. WAHIS : Qui est le même
que le surnom de sœur Kizito.
L’Avocat Général : …porte
aussi le même nom que Monsieur NTEZIMANA Vincent, mais il a des toutes autres
idées.
Le Président : Ne nous avançons
pas dans les idées des gens. Y a-t-il d’autres questions ? Les parties
sont-elles d’accord pour le témoin se retire ? Madame, confirmez-vous les
déclarations que vous avez faites ici, aujourd’hui ?
L’Interprète : Urongera ukemeza
ugahamya ibyo wavugiye aha uyu munsi ?
le témoin 81 :
Nhobora kubihamya, kuko ndavuga ibyo nabonye , ntabwo aribyo nabwiwe , nari
mpari pe.
L’Interprète : Je peux le confirmer
puisque c’est ce que j’ai vu, ce n’est pas ce que j’ai entendu.
le témoin 81 : Amaso
ku yandi, nta mutima, ariko amaso yarabonaga.
L’Interprète : Les yeux dans les
yeux, je n’avais pas le cœur, mais les yeux voyaient.
Le Président : La Cour vous
remercie pour votre témoignage.
L’Interprète : Urukiko ruragushimiye
ibyo urubwiye,
Le Président : Vous
pouvez maintenant retourner à votre lieu de logement, mais vous devez rester,
sur le plan administratif, à la disposition de la Cour, pour organiser votre
retour au Rwanda.
L’Interprète : Wakwisubirira kw’icumbi,
ariko ukaba waboneka igihe cyose Urukiko rwagukenera, watunganya usubira i Rwanda.
le témoin 81 : Rwose
nshobora kubisubiramo kuko narabibonaga ntabyo nahimbye.
L’Interprète : Je peux le répéter,
puisque c’est ce que j’ai vu moi-même. Merci. A plus.
Le Président : Ha !
ha ! ha ! Merci en plus, je suppose. Un commentaire ?
Me. VANDERBECK : Un
très bref commentaire avec votre permission, Monsieur le président. Je tiens
simplement à signaler que je pense qu’il est de notre devoir, défense des accusés,
de faire ce genre de commentaire puisque nous devons apporter toute la clarté
par rapport aux différentes déclarations aux jurés et que ce n’est certainement
pas par souci d’en remettre, mais il me semble quand même important de souligner
de nouveau d’énormes, d’abyssales contradictions entre les différentes versions
et je serai obligé de revenir très brièvement sur un seul point qui sera, à
mon sens, déterminant : c’est le problème de l’essence et le fait de savoir
qui a apporté l’essence ?
Ce témoin-ci, exceptionnellement, comme un autre, et on l’avait souligné,
a été entendu deux fois dans le cadre de la commission rogatoire, donc ce qui,
quand même, est un bon signe puisqu’on a une audition le 29 septembre et une
autre le 8 octobre, à peine dix jours plus tard, et je voudrais quand même vous
lire ce qui est dit dans ces deux versions.
Le 22 avril, en ce qui concerne la première version, c’est celle
du 29 septembre, le témoin dit ceci : « Le 22 avril
1994 », elle parle du fait qu’on a commencé à tuer et puis, elle
dit : « J’ai rencontré Gertrude avec quatre gallons
d’essence. Elle était accompagnée de REKERAHO Emmanuel, de RUSANGANWA Gaspard
et de BYOMBA, ils ont incendié le garage ».
Et puis avant, en parlant du 17, elle avait simplement dit :
« Nous nous sommes réfugiés dans le couvent des sœurs où nous
avons trouvé UN certain Kizito. Il nous a chassés en disant que nous dérangions
ceux qui étaient en stage ». Neuf jours plus tard, le 8 octobre,
le même témoin nous dit ceci, Kizito devient enfin une femme, on nous dit …
Le Président : Vous êtes
sûr de ne pas confondre avec le témoin 81 Marie-Josée ?
Me. VANDERBECK : Josepha,
Marie-Josée, c’est la même identité, la même date de naissance, donc, je crois
que c’est la même personne, je peux peut-être me tromper ?
Le Président : C’est possible,
oui.
Me. VANDERBECK : Il semblait,
en tout cas d’après, c’est pour ça qu’on a demandé le nom du père, donc …cette
même personne dit, donc, concernant le 22 avril : « Vers 4h, Kizito est venue en compagnie de REKERAHO, RUSANGANWA
Gaspard et BYOMBA. Ils avaient de l’essence dans quatre bidons. Kizito portait
l’un des bidons d’essence. Ils commençaient à verser de l’essence sur tout le
garage ».
Et concernant sœur Gertrude, un peu plus loin, elle dit : « Moi, j’étais sortie le 22 avril car j’avais des pièces d’identité
de Hutu. Ce jour, je n’ai pas vu la sœur Gertrude, je pense qu’elle était au
couvent ».
Alors, je vous épargne les deux versions Nations-Unies et African
Rights vu que c’est encore une version différente, m’enfin, ce sont donc quatre,
non, cinq versions différentes puisqu’ aujourd’hui, c’est sœurs Kizito et Gertrude
qui viennent en descendant du couvent, avec Jonas, Gaspard, REKERAHO et NYUNDO.
Voilà, je vous remercie.
Le Président : Un autre commentaire ?
Bien. Compte tenu de l’ampleur de la tâche, demain, pour être sûr que Monsieur
l’avocat général puisse arriver à l’heure et pour donner un petit rabiot de
sommeil aux autres, 8h45. On commence à 8h45, demain. Trois témoins le matin,
Monsieur le témoin 151, le témoin 118 et Monsieur le témoin 31.
Et l’après-midi, trois témoins qui s’étaient présentés cet après-midi, Madame
le témoin 136, Madame le témoin 115 et Madame le témoin 7. Demain, nous terminons au plus tard
à 18h même si GB reste ouvert le vendredi jusqu’à 19 ou 20h, je ne sais pas,
mais enfin, pour d’autres raisons, on terminera au plus tard à 18h. S’il se
faisait que l’une ou l’autre religieuse résidant au Rwanda pouvait encore être
entendue l’après-midi en plus des trois dont je viens de parler, on pourra peut-être
en entendre une ou deux, je ne sais pas, on verra bien où on en est, sinon toutes
les religieuses, il y en a dix, devront toutes être entendues lundi. Enfin dix,
résidant au Rwanda, je veux dire. Voilà. L’audience est suspendue, elle reprend
demain à 8h45. |